Humilité contre désespoir — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Humilité contre désespoir

Combien d’hommes dans le monde contemporain, ont « perdu la foi » en même temps que les espoirs et les illusions vaines de leur enfance. Ce qu’ils appelaient « foi » n’était qu’une de leurs illusions. Ils mettaient tout leur espoir dans un sentiment de paix spirituelle, de consolation, d’équilibre intérieur, de respect d’eux-mêmes. Puis, lorsqu’ils se sont trouvés aux prises avec les difficultés et les charges réelles de leur vie d’adulte, lorsqu’ils ont pris conscience de leur faiblesse, ils ont perdu la paix, abandonné leur précieux respect d’eux-mêmes, et il leur est devenu impossible de « croire », c’est-à-dire de se consoler, de se rassurer avec les images et les concepts qui les réconfortaient dans leur enfance.

Ne mettez aucun espoir dans les sentiments d’assurance, de consolation spirituelle que vous pouvez éprouver. Vous serez peut-être obligé de vous en passer. Ne mettez aucun espoir dans les prédicateurs inspirés qui distribuent la joie de vivre, qui vous relèvent, vous remettent sur pied et vous rendent votre confiance pendant deux ou trois jours – jusqu’à ce que vous vous repliiez sur vous-même et retombiez dans le désespoir.

La confiance en soi est un don naturel précieux, un signe de santé, mais ce n’est pas la même chose que la foi. Celle-ci est beaucoup plus profonde, et elle doit l’être pour subsister lorsque nous sommes faibles, malades, lorsque nous n’avons plus confiance en nous, lorsque nous avons perdu tout respect de nous-mêmes.

Je ne veux pas dire par là que notre foi n’est vivante que lorsque nous sommes effondrés, mais la foi véritable demeure lorsque tout le reste nous est enlevé. Seul, l’humble peut accepter de croire dans ces conditions, si complètement et sans réserve, qu’il est heureux de la foi pure et la reçoit avec joie même lorsqu’elle n’est accompagnée de rien d’autre, ou que tout le reste lui est retiré.

Si nous ne sommes pas humbles, nous avons tendance à exiger que la foi nous apporte une bonne santé, la paix de l’âme, la chance, le succès dans les affaires, la popularité, la paix extérieure, et tous les biens possibles et imaginables. Et il est vrai que Dieu peut, s’Il le veut, nous donner tous ces biens. Mais ils sont négligeables en comparaison de la foi, qui est essentielle.

Thomas Merton, Semences de contemplation (extraits),
Traduction par Marie Tradié, Editions du Seuil (1963) p.141-142