Il y a trois sortes de prières — Avec Benoît et les Pères cisterciens

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Avec Benoît et les Pères cisterciens
Menu
Navigation

Il y a trois sortes de prières

• Il y a trois sortes de prières

… Je vous prie mes frères, de tenir toujours à votre portée le sûr refuge de la prière, dont je me souviens de vous avoir dit quelques mots il y a peu de temps, en finissant un sermon.

Il y a trois sortes de prières

         … Je vous prie mes frères, de tenir toujours à votre portée le sûr refuge de la prière, dont je me souviens de vous avoir dit quelques mots il y a peu de temps, en finissant un sermon.

Mais quand je vous parle de la prière, il me semble entendre au fond de votre cœur, certaines réflexions inspirées par la sagesse humaine, que j'ai moi-même entendues, plusieurs fois dans le mien. A quoi tient-il, en effet, que, ne cessant presque jamais de prier, il soit si rare que nous recueillions quelques fruits de la prière. ? Il semble que nous nous retrouvons après avoir prié, ce que nous étions auparavant. Personne ne nous répond un mot, personne ne nous accorde rien, il semble vraiment que c'est en pure perte que nous prenons la peine de prier. Mais qu'est-ce que le Seigneur nous dit dans son Évangile ? « Ne jugez point selon l'apparence, mais jugez selon la justice (Jn 7, 24). » Or qu'est-ce que juger selon la justice, si ce n'est juger selon la foi ? puisque le juste vit de la foi (Ha 2, 4). Rapportez-vous-en donc au jugement de la foi, non à ce que vous éprouvez, puisque la foi ne trompe point et que l'expérience nous induit en erreur. Or où trouver, la vérité de la foi, sinon dans les promesses du Fils de Dieu lui-même qui nous dit : « Tout ce que vous demanderez dans la prière, croyez que vous le recevrez, et qu'il vous sera fait selon que vous le désirerez, (Mt 21, 22). » Par conséquent, qu'aucun de vous mes frères, ne regarde sa prière comme étant de peu do valeur, attendu que celui que nous prions, je puis vous l'affirmer, est loin d'en faire peu de cas. Elle n'est pas encore tombée de nos lèvres, que déjà il l'a fait inscrire dans son livre, et nous pouvons être assurés d'une chose, c'est que s'il ne nous accorde pas ce que nous lui demandons, il nous donnera certainement quelque chose qu'il sait devoir nous être plus utile. Car nous ne savons point ce qu'il faut que nous demandions dans nos prières. Mais il aura pitié de notre ignorance, et, recevant notre prière avec bienveillance, s'il ne nous accorde point ce qui ne peut nous être d'aucun bien, ou ce dont nous n'avons point encore besoin, notre prière n'est point stérile pour cela.

Il n'y a pas là motifs à vous plaindre, c'est plutôt une raison pour vous de témoigner votre reconnaissance de tout votre cœur, puisque tel est le soin que Dieu prend de vous, que toutes les fois que, sans le savoir, il vous arrive de demander quelque chose d'inutile, il ne vous exauce point, mais au contraire il vous accorde en échange quelque chose de meilleur. C'est ainsi qu'un père, selon la chair, quand son enfant lui demande du pain, s'empresse de lui en donner, mais s'il lui demande un couteau dont il ne croit pas qu'il ait besoin, il le lui refuse, et aime mieux lui couper lui-même son pain ou le lui faire couper par un de ses serviteurs, afin qu'il ne coure aucun danger et n'ait aucune peine.

 Quant aux vœux du cœur, je les crois de trois sortes ; hors de là je ne vois point ce qu'un élu peut demander de plus. Les deux premiers ont rapport aux choses de cette vie, ce sont les biens de l'âme et du corps le troisième a rapport au bonheur de la vie éternelle. Ne vous étonnez point si je vous dis qu'on doit demander à Dieu les biens du corps, car ces biens- là ne viennent que de Dieu, comme tous les biens spirituels. C'est donc à lui que nous devons demander et de lui que nous devons attendre tout ce qui nous est nécessaire pour nous faire vivre à son service. Mais il faut demander plus souvent et avec plus de ferveur encore les biens spirituels, tels que la grâce de Dieu, et les vertus de l'âme : et ce que nous devons demander avec une entière piété et de toute l'ardeur de nos désirs, c'est surtout la vie éternelle, où le bonheur de l'âme sera comble et parfait.

             Mais dans ces trois vœux, pour que ce soient des vœux du cœur, trois choses sont nécessaires. Or dans le premier, peut se cacher le désir de choses superflues, dans, le second, quelque souhait impur, et dans le troisième, quelque sentiment d'orgueil. En effet, il n'est pas rare qu'on demande les choses temporelles pour satisfaire la volupté, et les vertus par une pensée d'ostentation ; enfin, il y en a qui désirent la vie éternelle, non pas dans un sentiment d'humilité, mais en se fondant sur la pensée, de leurs propres mérites. Je ne dis point que la grâce qu'on a reçue ne doit point nous donner confiance en la prière, mais je dis, que personne ne doit fonder sur elle la pensée qu'il sera exaucé. Ces premiers dons doivent contribuer seulement à nous en faire attendre de plus grands encore de celui qui, dans sa miséricorde, nous les a accordés. En conséquence bornons nos prières pour les choses temporelles aux seules nécessaires. Quant aux biens de l'âme., que notre prière soit faite dans une grande pureté d'intention, et se soumette en toutes choses au, bon plaisir de Dieu ; enfin que nos vœux, pour obtenir 1a vie éternelle, soient pleins d'humilité et ne se fondent, comme de juste, que sur la miséricorde de Dieu.

 

                                       Saint Bernard.Cinquième sermon pour le Carême (Extraits)