Fête des saints apôtres Pierre et Paul -Par pure grâce — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Fête des saints apôtres Pierre et Paul -Par pure grâce

Fête des saints apôtres Pierre et Paul
Par pure grâce



Dom André Louf ocso. Homélie pour la fête des saints Pierre et Paul (Mt 16,13-19)


Sur Pierre et Paul notre Eglise d’Occident fut bâtie : sur leur prédication, sur leur témoignage jusqu’au martyre, sur leur corps que le sol de Rome a gardés comme de précieuses reliques...

Fête des saints apôtres Pierre et Paul

Par pure grâce

 

Dom André Louf ocso. Homélie pour la fête des saints Pierre et Paul (Mt 16,13-19)

 

Sur Pierre et Paul notre Eglise d’Occident fut bâtie : sur leur prédication, sur leur témoignage jusqu’au martyre, sur leur corps que le sol de Rome a gardés comme de précieuses reliques. Aujourd’hui encore, lorsque le pape pose un acte officiel, même une définition dogmatique, il dit agir par l’ « autorité des saint apôtres Pierre et Paul », non par celle de Pierre seul, comme on s’y attendrait, mais par celle de Pierre et  de Paul, les deux garants, de par leur témoignage, de la fidélité de l’Eglise de Rome.

Quel était leur témoignage ? Paul l’a souvent répété : il voulait « annoncer aux païens les insondables les insondables richesses du mystère du Christ … sa longueur, sa hauteur, sa profondeur ». Nous connaissons ces textes. Pour Pierre, ce sont les autres apôtres qui nous l’ont dit, dès le matin de Pâques, en s’adressant aux deux disciples revenant d’Emmaüs : « Il est ressuscité et il est apparu à Simon. » Pierre a tellement été bouleversé par cette apparition inattendue et totalement imméritée après la chute du Jeudi saint, que, de rares fois dans sa vie, il en est resté sans paroles.

Les voilà donc choisis par Jésus, enfin définitivement choisis. Ni Pierre ni Paul n’ont de quoi se glorifier de ce choix : ils n’y sont strictement pour rien. Jésus, dans sa miséricorde, a arrangé le parcours  de l’un comme de l’autre, afin qu’il n’y ait aucun doute à ce sujet. Paul représente même un cas limite, il a été des plus fameux persécuteurs de l’Eglise naissante, zélé plus que quiconque et pleinement convaincu de son bon droit. Jusqu’à ce chemin de Damas, où il fut désarçonné de son cheval, jeté par terre, aveuglé, bouleversé par une vision et une voix qu’il ne put reconnaître que lorsque l’apparition elle-même déclara : « Je suis Jésus, que tu persécutes. » Non pas le Christ, ce qui est un titre, mais le prénom, ce qui signifie la personne, Jésus !

Désormais Paul peut proclamer que Jésus s’est vraiment révélé à lui comme aux autres apôtres, mais en dernier lieu, comme au moindre des apôtres, comme à l’avorton dira-t-il. Vraiment, bien plus que les autres c’est par grâce que Paul est ce qu’il est, qu’il est devenu exactement le contraire de ce qu’il ambitionnait d’être, par fidélité exacerbée et maladroite à la Loi. Et encore, n’est-ce là qu’un début. Paul a seulement commencé à connaître Jésus, mais il aspire à le connaître davantage : « Désormais je considère tout comme des balayures à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur… ; le connaître, lui, avec la puissance de sa résurrection, non que je sois déjà au but, mais je poursuis ma course pour tâcher de le saisir (et il se corrige tout de suite) ayant été saisi moi-même par le Christ Jésus. »

Le parcours de Pierre diffère extérieurement, mais, pour le fond, il recoupe celui de Paul. Dans l’épisode relaté par l’évangile d’aujourd’hui, Pierre est à l’honneur. Jésus voudrait savoir si ses disciples reconnaissent qui il est vraiment, et Pierre, comme d’habitude en pareille circonstance n’hésite pas à se mettre en avant. Cette fois-ci, il a même donné dans le mille, il a deviné juste. Et Jésus l’en félicite, mais en précisant tout de suite que ce n’est pas sa perspicacité naturelle qui l’a aidé à cela, non pas la chair et le sang, mais le Père qui est aux cieux, et qui est seul en état de nous révéler vraiment Jésus. Pierre y est pour si peu que, quelques instants plus tard, Jésus doit le rabrouer vertement lorsqu’il veut détourner Jésus de sa Pâque. Pour le moment Pierre n’a fait que pressentir Jésus, il l’ignore encore pour l’essentiel.

Un certain nombre de choses doivent encore se passer avant que Pierre ne connaisse pleinement son Maître. D’autres sorties impulsives de Pierre, et d’autres mises en garde de la part de Jésus ; certains désirs touchants, mais quelque peu narcissiques et irréalisables, comme celui des trois tentes sur le Thabor ; ou encore le sommeil peu glorieux pendant l’agonie de Jésus ; puis, surtout, la fanfaronnade de son désir de mourir avec Jésus, suivie quelques heures plus tard, d’un reniement pitoyable. Mais aussi, le regard de Jésus posé sur lui, dans le prétoire de Caïphe, et l’autre regard, celui du matin de Pâques : « Il est apparu à Simon. »

Voilà qu’enfin Pierre connaît Jésus, infiniment mieux qu’au moment de la confession de Césarée de Philippe, tellement mieux qu’il ne sait plus maintenant en parler lui-même. Lorsque, deux semaines plus tard, Jésus le questionnera : « Pierre, m’aimes-tu ? », Pierre ne répondra pas ce qu’il aurait probablement répondu avant Pâques, et avec quel aplomb, comme de coutume : « Bien sûr que je t’aime ! » Non, ce n’est plus lui désormais qui ose répondre. C’est Jésus à qui il en appelle humblement, car c’est Jésus seul qui le sait : « Seigneur, tu sais tout, tu sais bien que je t’aime. » Pierre est sans voix, tellement c’est vrai maintenant.

 

                                    Par pure grâce- Méditations à Sainte-Lioba.  Editions Salvator