L'Annonciation — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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L'Annonciation

Saint Bernard. « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu en une ville de Galilée appelée Nazareth, à une vierge qui avait épousé un homme nommé Joseph, et cette vierge s'appelait Marie. » (Extraits)


Dans quelle pensée l'Évangéliste a-t-il affecté d'entrer, en cet endroit, dans un tel détail de noms propres ? Sans doute c'est parce qu'il veut que nous prêtions à son récit une attention égale au soin qu'il apporte lui-même à le faire.

Saint Bernard. « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu en une ville de Galilée appelée Nazareth, à une vierge qui avait épousé un homme nommé Joseph, et cette vierge s'appelait Marie. » (Extraits)

 

 

     Dans quelle pensée l'Évangéliste a-t-il affecté d'entrer, en cet endroit, dans un tel détail de noms propres ? Sans doute c'est parce qu'il veut que nous prêtions à son récit une attention égale au soin qu'il apporte lui-même à le faire. En effet, il nous fait connaître, par leurs propres noms, le messager qui est envoyé, le Seigneur qui l'envoie, la Vierge à qui il est envoyé et le fiancé de cette vierge, dont il va jusqu'à nous dire la famille, la ville et le pays. Pourquoi cela ? A-t-il agi ainsi sans motif ? Gardons-nous de le croire. Car s'il est vrai qu'il ne tombe pas une feuille d'un arbre, pas un passereau du ciel sans la permission de notre Père qui est dans les cieux, je ne puis croire qu'il soit tombé une seule parole inutile de la bouche d'un évangéliste, surtout dans le récit de la sainte histoire du Verbe.

      Il dit donc : « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu. » Je ne pense pas qu'il soit ici question d'un de ces anges de moindre dignité qui viennent souvent sur la terre y remplir des missions ordinaires. En effet, ce n'est pas ce que signifie son nom, qui veut dire la force de Dieu, d'ailleurs il ne vient pas, comme c'est l'habitude, sur l'ordre d'un esprit plus grand que lui, mais il est envoyé de Dieu même.

     Ainsi l'ange Gabriel fut envoyé de Dieu. Mais où fut-il envoyé ? « Dans une ville de Galilée appelée Nazareth (Lc 1,26) ». Voyons, comme dit Nathanaël « S'il peut sortir quelque chose de bon de Nazareth (Jn 1, 46) ». Nazareth veut dire fleur.

     Le Christ doit donc naître à Nazareth, selon la parole de l'Ange, parce qu'à la fleur on espère voir succéder le fruit : mais quand le fruit grossit la fleur tombe ; ainsi lorsque la vérité apparaît dans la chair, les figures passent : voilà pourquoi à Nazareth se trouve ajouté le mot Galilée, c'est-à-dire émigration.

     Et nous qui maintenant jouissons du fruit, nous voyons bien que la fleur a en effet passé et il était prévu qu'elle passerait un jour, alors même qu'elle était pleinement épanouie, c'est ce qui faisait dire à David : « Elle est au matin, comme l'herbe qui doit passer, elle s'épanouit le matin et passe durant la journée, le soir elle se flétrit, tombe et se dessèche (Ps 89,6). » Or par le soir, il faut entendre la plénitude des temps, alors que Dieu envoya son Fils unique formé d'une femme et assujetti à la loi, en disant : « Voici que je fais des choses nouvelles (Ap 21,5). » Les choses anciennes ont passé et disparu, de même que les fleurs tombent et se dessèchent quand le fruit commence à prendre de l'accroissement. Aussi est-il dit dans un autre endroit : « L'herbe se dessèche et la fleur tombe ; mais la Parole de Dieu subsiste toujours (Is 40,8.) » Je crois qu'on ne peut douter que le fruit soit ce Verbe de Dieu ; car le Verbe est le Christ même.

     C'est donc dans la ville de Nazareth que l'ange Gabriel fut envoyé de Dieu, mais à qui fut-il envoyé ? « A une Vierge qui avait été fiancée à un homme nommé Joseph. » Quelle est cette Vierge si vénérable quelle mérite d'être saluée par un ange ? Et si humble qu'elle ait un artisan pour époux ? Quelle belle alliance que celle de l'humilité avec la virginité. L'âme, où l'humilité fait valoir la virginité et dans laquelle la virginité jette un nouveau lustre sur l'humilité, plaît singulièrement à Dieu. Mais de quels respects ne vous semblera point digne celle en qui la fécondité exalte l'humilité, et la maternité consacre la virginité ? Vous l'entendez, une vierge et une vierge humble. Si donc vous ne pouvez imiter la virginité de cette humble vierge, imitez du moins son humilité. Sa virginité est digne de toutes louanges, mais l'humilité est bien plus nécessaire que la virginité. Si l'une est conseillée, l'autre est prescrite, et si on vous invite à garder l'une, on vous fait un devoir de pratiquer l'autre. En parlant de la virginité, il est dit seulement : « En effet il y en a qui se sont eux-mêmes rendus eunuques à cause du Royaume des cieux. Comprenne qui peut comprendre (Mt 19,12). » Mais pour ce qui est de l'humilité, voici en quels termes il en est parlé. « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (Mt 18,3). »

 

      Ainsi l'une est l'objet d'une récompense et l'autre d'un précepte. On peut se sauver sans la virginité, on ne le saurait sans l'humilité. En un mot l'humilité qui gémit sur la perte de la virginité peut plaire encore à Dieu, mais sans l'humilité le dirai-je ? La virginité même de Marie ne lui eût point été agréable. En effet, Dieu dit : « sur qui jetterai-je les yeux, sur qui mon esprit aimera-t-il à se reposer, sinon, sur l'homme humble et pacifique, (Is 2) ? » Sur l'homme humble, dit-il, non pas sur celui qui est demeuré vierge. Si donc Marie n'était point humble, le Saint-Esprit ne serait pas venu reposer sur elle. Or, s'il ne s'était point reposé sur elle, il ne l'aurait point rendue mère. Comment en effet aurait-elle pu concevoir de lui sans lui. Il est donc bien évident qu'elle n'a conçu du Saint-Esprit, comme elle le dit elle-même, que parce que « Dieu a regardé favorablement l'humilité de sa servante (Lc 1,48), » plutôt que sa virginité. Elle lui plut sans doute parce qu'elle était vierge, mais elle ne conçut que parce qu'elle était humble, d'où je conclus sans hésiter que c'est à son humilité que sa virginité dut de plaire à Dieu.

 

     Mais il y a encore en Marie quelque chose de plus admirable, c'est la fécondité unie à la virginité. En effet, jamais, depuis que le monde est monde, on n'a entendu parler d'une vierge mère. Mais que sera-ce si vous faites attention à celui dont elle est la mère ? A quel degré alors ne s'élèvera pas votre admiration ? Ne vous semble-t-il pas même qu'elle ne saurait jamais être assez grande ?

     Mais heureuse est Marie, à qui ni l'humilité ni la virginité n'ont fait défaut. Et quelle virginité que celle que la fécondité a rendue plus éclatante au lieu de la flétrir. De même quelle incomparable fécondité que celle que la virginité et l'humilité accompagnent ! Y a-t-il là quelque chose qui ne soit point admirable ? Qui ne soit point incomparable ? Qui ne soit point unique ? Je serais bien surpris si vous n'étiez pas embarrassé pour décider en y réfléchissant lequel des deux est le plus étonnant de voir une vierge féconde ou une mère demeurant vierge ; et ce qu'on doit plus admirer de cette sublime fécondité ou de cette humilité dans une telle élévation; ou plutôt si vous ne préfériez sans hésiter toutes ces choses réunies, à chacune d'elles en particulier, et si vous ne regardiez comme incomparablement meilleur et préférable de les posséder toutes, que de ne posséder que l'une ou l'autre d'elles. Ô vous qui êtes mariés, respectez la pureté dans une chair corruptible ; mais vous, ô vierges sacrées, admirez la fécondité dans une Vierge : enfin nous tous, ô hommes admirons l'humilité de la Mère de Dieu. Anges saints, honorez la Mère de votre Roi, vous qui adorez le Fils de notre Vierge, qui est en même temps notre roi et le vôtre, le réparateur de notre race et l'architecte de votre cité. A ce Dieu si humble parmi nous si grand au milieu de vous, rendons également les uns et les autres les hommages qui lui sont dus. Honneur et gloire soient rendus à sa grandeur, dans les siècles des siècles.

 

Extraits de Bernard de Clairvaux, A la louange de la Vierge Mère, 1ère homélie