L'Ange Gabriel fut envoyé de Dieu — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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L'Ange Gabriel fut envoyé de Dieu

Evangile et peinture


L’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu …

Saint Bernard, sermon premier pour l’Annonciation (Extraits)

Dans quelle pensée l'Évangéliste a-t-il affecté d'entrer, en cet endroit, dans un tel détail de noms propres ? ...

  Avec les Pères cisterciens                                                                                                              

L’Ange Gabriel fut envoyé de Dieu …

          

1ère homélie de saint Bernard "A la louange de la Vierge Mère" (Extraits)

 

  Dans quelle pensée l'Évangéliste a-t-il affecté d'entrer, en cet endroit, dans un tel détail de noms propres ? Sans doute c'est parce qu'il veut que nous prêtions à son récit une attention égale au soin qu'il apporte lui-même à le faire. En effet, il nous fait connaître, par leurs propres noms, le messager qui est envoyé, le Seigneur qui l'envoie, la Vierge à qui il est envoyé et le fiancé de cette vierge, dont il va jusqu'à nous dire la famille, la ville et le pays. Pourquoi cela ? A-t-il agi ainsi sans motif ? Gardons-nous de le croire. Car s'il est vrai qu'il ne tombe pas une feuille d'un arbre, pas un passereau du ciel sans la permission de notre Père qui est dans les Cieux (Mt 10.29), je ne puis croire qu'il soit tombé une seule parole inutile de la bouche d'un évangéliste, surtout dans le récit de la sainte histoire du Verbe. Non je ne puis le croire. Tous ces détails sont remplis de mystères divins et débordent d'une céleste douceur, s'ils trouvent un auditeur diligent qui sache sucer le miel qui coule du rocher, et goûter l'huile excellente qu'on recueille dans les endroits pierreux… En même temps que dans un récit doux comme le miel il nous raconte le commencement tant désiré de notre salut, comme au souffle du vent du midi, et sous les rayons directs du Soleil de justice, se sont élevées vers nous des senteurs spirituelles. Que Dieu maintenant envoie son Verbe pour les faire fondre devant nous, qu'il fasse souffler son esprit, pour nous faire comprendre le sens des paroles évangéliques et pour les rendre à nos cœurs plus désirables que l'or et que les pierres précieuses, plus douces que le miel dans ses rayons.

  Il dit donc : « L'ange Gabriel fut envoyé de Dieu. » Je ne pense pas qu'il soit ici question d'un de ces anges de moindre dignité qui viennent souvent sur la terre y remplir des missions ordinaires, en effet, ce n'est pas ce que signifie son nom, qui veut dire la force de Dieu, d'ailleurs il ne vient pas, comme c'est l'habitude, sur l'ordre d'un esprit plus grand que lui, mais il est envoyé de Dieu même.

  Voilà, sans doute, pourquoi il est dit qu'il fut envoyé « de Dieu » mais l'Évangéliste se sert peut-être aussi de ces paroles « envoyé de Dieu, » pour que nous ne croyions pas que Dieu, avant de communiquer son dessein à la Vierge, en fit part à d'autre esprit bienheureux que l'archange Gabriel qui fut seul trouvé digne parmi le reste des anges d'une telle grandeur, du nom qu'il a reçu et de la mission qui lui fut confiée. D'ailleurs, le nom qu'il a n'est point sans rapport avec le message dont il est chargé. En effet, à quel ange convenait-il mieux d'annoncer la venue du Christ qui est la vertu de Dieu, qu'à celui qui a l'honneur de s'appeler la force de Dieu ? Car qu'est-ce que la force, sinon la vertu.

  Quant à l'Ange, s'il est appelé la force de Dieu c'est, ou parce qu'il a pour office d'annoncer la venue de cette force elle-même, ou bien parce qu'il devait rassurer une vierge naturellement timide, simple et pudique, que la nouvelle du miracle qui devait s'accomplir par elle allait troubler. En effet, il lui dit : « Ne crains pas, ô Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. » Il y a même lieu de croire qu'il eut aussi à donner des forces et du courage au fiancé de cette vierge, homme d'une conscience humble et timorée, quoique notre Évangéliste ne le dise point alors. En effet, c'est lui qui lui dit : « Joseph, fils de David, ne crains pas de prendre Marie pour épouse. » C'est donc un choix plein d'à-propos qui désigna Gabriel pour l'œuvre qu'il eut à remplir, ou plutôt c'est parce qu'il l'eut à remplir qu'il fut appelé Gabriel.

  Ainsi l'ange Gabriel fut envoyé de Dieu. Mais où fut-il envoyé ? « Dans une ville de Galilée appelée Nazareth (Lc,1, 26.) » Voyons, comme dit Nathanaël « S'il peut sortir quelque chose de bon de Nazareth » (Jn 1, 45). Nazareth veut dire fleur.

     Le Christ doit donc naître à Nazareth, selon la parole de l'Ange, parce qu'à la fleur on espère voir succéder le fruit : mais quand le fruit grossit la fleur tombe ; ainsi lorsque la vérité apparaît dans la chair, les figures passent : voilà pourquoi à Nazareth se trouve ajouté le mot Galilée, c'est-à-dire émigration.

         Et nous qui maintenant jouissons du fruit, nous voyons bien que la fleur a en effet passé et il était prévu qu'elle passerait un jour, alors même qu'elle était pleinement épanouie, c'est ce qui faisait dire à David : « Elle est au matin, comme l'herbe qui doit passer, elle s'épanouit le matin et passe durant la journée, le soir elle se flétrit, tombe et se dessèche (Ps 89,6). » Or par le soir, il faut entendre la plénitude des temps, alors que Dieu envoya son Fils unique formé d'une femme et assujetti à la loi, en disant : « Voici que je fais des choses nouvelles (Ap 21,5). » Les choses anciennes ont passé et disparu, de même que les fleurs tombent et se dessèchent quand le fruit commence à prendre de l'accroissement. Aussi est-il dit dans un autre endroit : « L'herbe se dessèche et la fleur tombe ; mais la Parole de Dieu subsiste toujours (Is 40,8.) » Je crois qu'on ne peut douter que le fruit soit ce Verbe de Dieu ; car le Verbe est le Christ même.

  C'est donc dans la ville de Nazareth que l'ange Gabriel fut envoyé de Dieu, mais à qui fut-il envoyé ? « A une Vierge qui avait été fiancée à un homme nommé Joseph. » Quelle est cette Vierge si vénérable qui mérite d'être saluée par un ange ? Et si humble qu'elle ait un artisan pour époux ? Quelle belle alliance que celle de l'humilité avec la virginité. L'âme, où l'humilité fait valoir la virginité et dans laquelle la virginité jette un nouveau lustre sur l'humilité, plaît singulièrement à Dieu. Mais de quels respects ne vous semblera point digne celle en qui la fécondité exalte l'humilité, et la maternité consacre la virginité ? Vous l'entendez, une vierge et une vierge humble. Si donc vous ne pouvez imiter la virginité de cette humble vierge, imitez du moins son humilité. Sa virginité est digne de toutes louanges, mais l'humilité est bien plus nécessaire que la virginité. Si l'une est conseillée, l'autre est prescrite, et si on vous invite à garder l'une, on vous fait un devoir de pratiquer l'autre. En parlant de la virginité, il est dit seulement : « Comprenne qui peut comprendre (Mt 19,12). » Mais pour ce qui est de l'humilité, voici en quels termes il en est parlé : « Si vous ne devenez comme de petits enfants, vous n'entrerez point dans le royaume des cieux (Mt 18,3). » Ainsi l'une est l'objet d'une récompense et l'autre d'un précepte.

  Il est donc bien évident qu'elle n'a conçu du Saint-Esprit, comme elle le dit elle-même, que parce que « Dieu a regardé favorablement l'humilité de sa servante (Lc 1,48), » plutôt que sa virginité. Elle lui plut sans doute parce qu'elle était vierge, mais elle ne conçut que parce qu'elle était humble, d'où je conclus sans hésiter que c'est à son humilité que sa virginité dut de plaire à Dieu.

  Mais il y a encore en Marie quelque chose de plus admirable, c'est la fécondité unie à la virginité. En effet, jamais, depuis que le monde est monde, on n'a entendu parler d'une vierge mère. Mais que sera-ce si vous faites attention à celui dont elle est la mère ? A quel degré alors ne s'élèvera pas votre admiration ? Ne vous semble-t-il pas même qu'elle ne saurait jamais être assez grande ? Est-ce que, à votre avis, ou plutôt au jugement même de Dieu, la femme qui a eu Dieu même pour fils n'est point placée plus haut que les chœurs mêmes des anges ? Or est-ce que ce n'est point Marie qui appelle sans hésiter le Seigneur et le Dieu des anges son fils, quand elle lui dit : « Mon fils, pourquoi as-tu agi ainsi avec nous (Lc 2,48) ? » Est-il un ange qui pût tenir ce langage ?

  Marie, au contraire, se sentant mère, appelle avec confiance du nom de fils celui dont ils servent la majesté avec respect. Et Dieu ne répugne point à s'entendre appeler par le nom de ce qu'il a daigné être, car un peu plus loin, l'Evangéliste fait remarquer que « il leur était soumis (Lc.2,51). » Il ; qui, il ? Et à eux ; à qui, à eux ? Un Dieu soumis à des hommes, un Dieu, dis-je, à qui les anges mêmes sont soumis, les Principautés et les Puissances obéissent, soumis lui-même à Marie, non-seulement à Marie, mais aussi à Joseph à cause de Marie. De quelque côté que vous vous tourniez, vous avez également de quoi être frappé d'admiration. Le seul embarras est de savoir ce qui mérite le plus que vous l'admiriez, de l'aimable condescendance du fils ou du suprême honneur de la mère. Des deux côtés, même motif de vous étonner, même merveille à admirer : d'un côté, qu'un Dieu soit soumis à une femme, c'est un exemple d'humilité sans précédent, et de l'autre, qu'une femme commande à un Dieu, c'est un honneur que nulle autre ne partage avec elle.

  Mais heureuse est Marie, à qui ni l'humilité ni la virginité n'ont fait défaut. Et quelle virginité que celle que la fécondité a rendue plus éclatante au lieu de la flétrir. De même quelle incomparable fécondité que celle que la virginité et l'humilité accompagnent. Y a-t-il là quelque chose qui ne soit point admirable ? Qui ne soit point incomparable ? Qui ne soit point unique ? Je serais bien surpris si vous n'étiez embarrassé pour décider en y réfléchissant lequel des deux est le plus étonnant de voir une vierge féconde ou une mère demeurant vierge.