La sincérité — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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La sincérité

La sincérité
Vérité, sincérité et fidélité sont étroitement liées.

Vérité, sincérité et fidélité sont étroitement liées. Etre sincère, c’est être fidèle à la vérité. Être fidèle, c’est être vrai dans nos promesses et nos résolutions. Une sincérité inviolée nous rend fidèles à nous-mêmes, à Dieu et à la réalité qui nous entoure, donc parfaitement vrais.

La sincérité dans son sens le plus profond doit être davantage qu’une disposition instinctive à être franc. C’est une simplicité d’esprit que maintient la volonté d’être vrai. Elle implique l’obligation de manifester la vérité et de la défendre, ce qui à son tour suppose que nous sommes libres de la respecter ou non et qu’elle est jusqu’à un certain point à notre merci. Responsabilité terrible, puisqu’en profanant la vérité, nous profanons notre âme.

La sincérité, dans son sens le plus plein, est un don de Dieu, une lucidité d’esprit que la grâce seule donne. Nous devons payer le prix de la sincérité : reconnaître humblement nos erreurs innombrables, et les redresser avec une inlassable fidélité.

L’homme sincère est donc celui qui a la grâce de reconnaître qu’il est sans doute instinctivement faux, et que sa sincérité naturelle elle-même peut n’être que de la lâcheté et de l’irréflexion.

Comment notre société, dans son amour du confort, a-t-elle perdu le sens de la valeur de la sincérité ? La vie est devenue si facile que nous croyons pouvoir nous passer de cette qualité.

Qu’il nous est difficile d’être sincères les uns avec les autres, alors que nous ne connaissons bien ni les autres ni nous-mêmes ! La sincérité est impossible sans l’humilité et l’amour surnaturel. Je ne puis être sincère envers les autres si je ne me comprends moi-même et si je ne fais l’impossible pour comprendre les autres.

La fausse sincérité est éloquente, parce qu’elle a peur. La bonne foi réelle peut se permettre  d’être silencieuse. Elle n’a pas à affronter d’attaque anticipée. Tout ce qu’elle peut avoir à défendre, elle le fera avec une simplicité parfaite.

La peur est peut-être la pire ennemie de la sincérité. Combien craignent de suivre leur conscience parce qu’ils préfèrent obéir à l’opinion des autres qu’à la vérité qu’ils reconnaissent en eux !

La délicate sincérité de la grâce n’est jamais sûre dans une âme donnée à la violence. La passion trouble toujours les limpides profondeurs de la sincérité, lorsqu’elle n’est pas absolument dans l’ordre et même dans l’âme des saints, elle l’est rarement.

Si ma volonté se met au service de la vérité et que je consacre toute mon âme à ce qu’a compris mon intelligence, la vérité me sanctifiera. Je serai sincère. « Mon corps tout entier sera éclairé » (Mt 6, 22).

Notre sincérité envers nous-mêmes, envers Dieu et envers les autres, dépend de nos possibilités d’amour sincère, qui lui-même dépend en grande partie de notre faculté de nous croire aimés.

Le premier pas dans la voie de la sincérité consiste à reconnaître que malgré notre insignifiance, nous avons une grande valeur virtuelle, puisque nous pouvons espérer être aimés de Dieu.

La sincérité est peut-être la qualité la plus vitale de toute vraie prière. C’est le seul test valide de notre foi, de notre espérance, et de notre amour de Dieu.

 

                                                                                            Thomas Merton, Nul n’est une île (extraits chap.10).

Traduction Marie Tadié. Le Seuil 1956.