L'Humble servante — Avec Benoît et les Pères cisterciens

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Avec Benoît et les Pères cisterciens
Menu
Navigation

L'Humble servante

Evangile et peinture

« Il s’est penché sur son humble servante », « il disperse les superbes et élève les humbles. » Ce cantique de Marie, que l’Eglise nous fait chanter tous les soirs, fut choisi comme évangile en cette fête de son Assomption. Ces versets résument admirablement le parcours de la Vierge ...

 

Dom André Louf ocso. Homélie pour la fête de l’Assomption

 

 

« Il s’est penché sur son humble servante », « il disperse les superbes et élève les humbles. » Ce cantique de Marie, que l’Eglise nous fait chanter tous les soirs, fut choisi comme évangile en cette fête de son Assomption. Ces versets résument admirablement le parcours de la Vierge, et non seulement celui de la Vierge, mais encore celui de l’Eglise elle-même.

Humble servante, c’est ainsi que la Vierge s’appelle. La formule de la traduction française, qui nous est bien familière a quelque chose de touchant. Elle n’est pas inexacte, mais elle trahit cependant quelque peu la force de l’original. L’humilité, dont il est question ici, n’est pas celle de la vertu ; elle est d’abord un état, une situation de petitesse et d’abaissement. Marie faisait partie de ces « pauvres du Seigneur », chantés par les prophètes et les psaumes, vers lesquels, tout au long de l’Ancien Testament, sont allées les préférences de Dieu. Ces pauvres qui seuls survivront aux épreuves du peuple de Dieu, car c’est sur eux uniquement que reposaient les promesses.

Et lorsque la plénitude des temps sera venue, et que Dieu enverra son propre Fils naître d’une femme, c’est encore sur une telle « pauvresse » qu’il arrêtera son choix, pauvre par les conditions matérielles, mais pauvre surtout en esprit, ne possédant rien qui pût faire obstacle au dessein de Dieu. « Marie, dira saint Bernard, a été choisie non pas à cause de ses vertus, même pas à cause de sa virginité, mais à cause de son humilité. » Or, Dieu « élève les humbles ». Pour Marie, cette élévation fut vraiment inouïe puisqu’elle va endosser un rôle absolument unique, celui de la Mère de Dieu sur terre. Mais ce rôle ne s’arrête pas là. Peut-être même ce titre n’est-il pas le plus glorieux ? Lorsque, au Moyen Âge, les iconographes d’Occident voudront représenter l’Assomption de Marie, ils auront le choix entre deux scènes. Dans la première, Marie ayant pénétré dans les cieux, est agenouillée devant le trône de son Fils qui lui impose une couronne, lui-même étant souvent assisté par le Père siégeant à côté de lui, ensemble survolé par la colombe du saint Esprit. Dans le deuxième type d’’Assomption, le Fils n’est pas seul non plus, mais c’est maintenant Marie qui siège à côté de lui, et lui qui de son bras droit lui entoure tendrement l’épaule. Et le trône est devenu davantage qu’un trône. Car les deux sont assis sur un magnifique coussin qui évoque le lit nuptial, ce lit que nous chantions dans les antiennes latines de la fête : Marie est montée « ad aethereum thalamum », c’est-à-dire « au lit nuptial » céleste, là où le Roi des rois est assis sur un trône entouré d’étoiles. Ici, Marie est plus que Mère, elle est désormais épouse ; et d’être ainsi assise à côté de son Fils, d’être doucement étreinte par lui, signifie l’aboutissement de l’histoire du salut. Dans ce couple l’humanité est rachetée. L’Eglise est née. Se retrouvent, réunis dans la gloire, Adam et Eve, le nouvel Adam et la nouvelle Eve, Dieu et l’humanité. « Oh ! que ce mystère est grand, s’écrira saint Paul : je veux dire celui du Christ et de l’Eglise ! » (Ep 5,32).

Dans ces noces entre le Christ et l’Eglise, Marie devance tous les autre humains. Bien sûr c’est Jésus qui est et demeure «  le premier-né d’entre les morts » (Col 1,18). Mais tout étant vrai homme, Jésus est une personne divine. Dans le couple de ces noces, il ne représente d’ailleurs pas l’humanité. Il représente Dieu qui a tellement aimé le monde qu’il lui a envoyé son Fils (Jn 3,16). Ce Fils qui, à son tour, a tellement aimé l’Eglise qu’il s’est livré pour elle (Ep 5,25), car il voulait se la présenter à lui-même resplendissante, sans tache, ni ride, sainte et immaculée. Dans l’Assomption de Marie, avec son corps et son âme, voilà qui est maintenant arrivé et accompli.

Marie est la première de nous tous : encore une fois elle est la femme qui précède l’homme. Comme la première Eve avait précédé l’homme dans la chute, Marie nous devance dans le salut. Elle devient ainsi une nouvelle Mère des vivants, et toute grâce nous est donnée par elle puisqu’elle vient nécessairement de ce couple du salut, de Jésus et de Marie.

Dans son rôle de mère physique de Dieu, Marie était unique. Mais dans son rôle d’épouse, elle n’est plus unique. Elle représente toute l’Eglise, et chacun d’entre nous. Dans le premier rôle il fallait qu’elle soit vierge de corps. Dans celui d’épouse, il suffit qu’elle soit humble. C’est encore saint Bernard qui le prétend : « Dieu aurait préféré, dit-il un pécheur humble à une vierge orgueilleuse. » Ainsi, nous ne sommes pas seulement les enfants de l’Eglise ; nous sommes appelés à entrer à notre tour dans le mystère des noces de ce couple. Quelle que soit notre misère ou le poids de nos fautes, une place nous y est réservée. Ne désespérons jamais car Dieu élève les humbles. « Bienheureux les invités aux noces de l’Agneau » (Ap 19,9).

                                                                                           La liturgie du cœur –Méditations à Sainte-Lioba tome 2 Editions Salvator