Convertissez-vous ... — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Convertissez-vous ...


« Convertissez-vous à moi, dit le Seigneur, de tout votre cœur. »

 

« Convertissez-vous à moi, dit le Seigneur, de tout votre cœur. »

 

  Mes frères, si le Seigneur s'était contenté de nous dire : convertissez-vous, sans rien ajouter, peut-être aurions-nous pu répondre : c'est fait, tu peux maintenant nous prescrire autre chose. Mais il nous parle là, si je l'entends bien, d'une conversion toute spirituelle, qui ne saurait être l'œuvre d'un seul jour. Plût au ciel même qu'elle pût s'accomplir pendant le cours entier de la vie présente. Quant à la conversion du corps, si elle est seule, elle est nulle, car cette sorte de conversion, qui n'en est pas une véritable, n'est qu'une vaine apparence de conversion. Combien à plaindre est l'homme qui, tout entier adonné aux choses du dehors, et oublieux de son intérieur, se croit quelque chose tandis qu'il n'est rien. !


  Examine attentivement ce que tu aimes, ce que tu crains et ce qui te réjouis ou te contriste, t’attriste, et tu trouveras que tu as un cœur mondain sous l'habit du religieux, un cœur pervers sous les dehors de la conversion. Le cœur est en effet tout entier dans ces quatre sentiments, et je crois que c'est d'eux qu'il faut entendre ces mots, convertissez-vous à Dieu de tout votre cœur. Que votre cœur se convertisse donc, c'est-à-dire, qu'il n'aime que Dieu ou du moins que pour Dieu. Que votre crainte se convertisse également à lui, car toute crainte qui n'a pas Dieu pour objet, ou ne se rapporte pas à lui, est mauvaise. De même que votre joie et votre tristesse se convertissent à lui de la même manière. Or il en sera ainsi, si vous ne vous affligez ou ne vous réjouissez qu'en lui. Que peut-il se voir, en effet, de plus pervers, que de se réjouir quand on a mal fait, et d'être heureux des pires choses ? D'un autre côté toute tristesse qui est selon la chair donne la mort (2 Co 7,10). Si donc vous vous affligez à cause de vos péchés ou de ceux du prochain, c'est bien, et votre tristesse est salutaire. Si vous vous réjouissez des grâces de Dieu, votre joie est sainte, et vous pouvez la goûter en toute sécurité dans le Saint-Esprit. Vous devez même vous réjouir, en Notre Seigneur Jésus-Christ, du bonheur de vos frères, et gémir de même de leurs malheurs, selon ce qui est écrit : « Soyez dans la joie avec ceux qui s'y trouvent, et dans les larmes avec ceux qui en versent (Rm 12,15). »


  Toutefois il faut bien se garder de mépriser même la conversion du corps, attendu qu'elle n'est pas une preuve sans importance de la conversion du cœur. Voilà pourquoi, dans le passage que j'ai cité, le Seigneur, après avoir dit : « de tout votre cœur, » ajoute : « dans le jeûne, » ce qui ne concerne que le corps. Mais à ce sujet, je veux que vous sachiez bien, mes frères, que vous devez jeûner non seulement des aliments du corps, mais de tout ce qui flatte la chair et de tout ce qui est un plaisir pour le corps. Je dis plus, vous devez jeûner plus rigoureusement de vices que de pain.
  Eh bien, mes chers amis, déchirons donc nos cœurs, et conservons nos vêtements intacts. C'est un bon vêtement que la charité, un excellent vêtement que l'obéissance. La dureté du cœur, l'obstination de l'esprit ne viennent que de ce que nous méditons notre propre volonté, au lieu de méditer la loi de Dieu.


 Cependant on peut encore entendre d'une autre manière ce déchirement du cœur, en ce sens que s'il est mauvais, il faut, en le déchirant, l'ouvrir à la componction et, s'il est dur, l'ouvrir à la compassion. Pourquoi donc ne déchirerait-on point le cœur pour qu'il se répande par les entrailles de la charité ? Il est doublement bien qu'il soit ainsi déchiré, pour que le virus du péché ne demeure point enfermé et caché dans le cœur, et pour que nous ne fermions point les entrailles de la miséricorde à notre prochain dans le besoin, afin que nous puissions, nous aussi, obtenir miséricorde de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui est Dieu et béni par-dessus tout, dans les siècles des siècles.

Bernard de Clairvaux. Second sermon pour le Carême (Extraits)