La Présentation de Jésus au Temple — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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La Présentation de Jésus au Temple

Evangile et peinture


Fête de la Présentation de Jésus au Temple dans nos liturgies latines ; fête de la Rencontre, la rencontre du Dieu fait homme avec son peuple, dans les liturgies d’Orient...

Dom André Louf ocso, Une secrète assurance : homélie pour la fête de la Présentation de Jésus au Temple. 2000

Fête de la Présentation de Jésus au Temple dans nos liturgies latines ; fête de la Rencontre, la rencontre du Dieu fait homme avec son peuple, dans les liturgies d’Orient, ce qui revient d’ailleurs au même. Car c’est bien au Temple, haut-lieu du peuple et demeure de Dieu sur terre, qu’une telle Rencontre officielle devait avoir lieu.

Elle est officielle, prévue par la Loi de Moïse, mais elle en même temps discrète, presque anonyme. Ni grand-prêtre, ni lévite, ni scribe ne sont là pour accueillir le Messie. Aucune trace de « Joyeuse entrée ». Dieu arrive incognito. Presque, car il fallait bien qu’Israël soit représenté pour aller à sa rencontre : or le Saint-Esprit avait préparé deux vieillards, un homme et une femme, de longue date pour ce privilège. Deux êtres qui appartenaient tout entiers à l’Ancien Testament, mais qui déjà, mystérieusement, se tenaient sur le seuil du Nouveau, pour ainsi dire un pied dans l’un et un pied dans l’autre.

Non ! Pas encore un pied dans l’autre, avant qu’ils n’eussent reconnus Jésus. Ils se tenaient cependant déjà sur le seuil, car ils pressentaient ce que les autres ne voyaient pas encore. Syméon le pressentait par son désir, un immense désir qui à la longue s’était mué en attente, et une attente qui, au fil des années avait fini par devenir une certitude. Car l’Esprit saint qui demeurait sur lui et ne cessait de l’instruire, et comme Syméon lui prêtait volontiers l’oreille, l’Esprit lui avait finalement donné l’assurance qu’il ne verrait pas la mort avant de voir le Messie de Dieu. Et si, aujourd’hui, il se trouvait là au Temple, prêt pour la Rencontre, ce n’était pas le fruit du hasard, mais par ce que, encore une fois, il avait été conduit par l’Esprit et que, docile, il s’était laissé conduire.

Puis, il y avait Anne, elle aussi se tenait déjà sur le seuil, prête pour la Rencontre, appartenant déjà un peu au Nouveau Testament ; elle, par la solitude acceptée de quatre-vingt-quatre années de veuvage, passées à demeure au Temple, en semi-recluse, rassasiée de jeûnes, de veilles et de prières. Elle était même prophétesse, dit l’évangéliste, puisque comme Syméon, elle pressentait, au cœur du peuple de Dieu, ce que la plupart ne voyaient pas encore.

Tous les deux étaient prêts pour reconnaître celui qui, sans eux, aurait risqué de passer inaperçu. Grâce à eux, la Rencontre aura lieu, non pas l’officielle, validée par l’offrande de deux tourterelles, mais la vraie, celle qui reconnaît l’Envoyé du Seigneur et qui voit bien au-delà de l’évènement qui s’accomplissait ce jour-là et des frontières d’Israël, le Dessein universel de Dieu qui va désormais se déployer : « Lumière pour éclairer toutes les nations », signe de contradiction, occasion de chute et relèvement pour beaucoup, et cependant « gloire d’Israël son peuple ».

Aujourd’hui, les années et les siècles ont passé et, à nouveau, l’Eglise attend. Non plus le premier avènement du Messie, salué par Syméon, mais le second, celui de la fin des temps. Elle est même toute entière tendue vers cette nouvelle rencontre, objet de tous ses désirs et résumé de sa prière : « Viens Seigneur Jésus ! » Mais l’Epoux pour qui mille ans sont comme un jour, tarde encore. Nombreux sont d’ailleurs les chrétiens qui ne sont pas tellement pressés de le voir arriver, ni pour le monde, ni pour eux-mêmes. Je me souviens de ce vieux moine qui ne souffrait d’aucune hâte pour mourir : « Dans dix ans, le ciel sera encore là ! » Mais au cœur de l’Eglise, et parfois caché à ses yeux, il y a de nouveaux Syméon et de nouvelles Anne, mis en mouvement par le Saint-Esprit qui, encore une fois, les conduit secrètement.

Les justes et les prophètes de l’Ancien testament pressentaient la venue du Messie. Ils se tenaient ainsi sur le seuil du Nouveau, et y pénétraient par leur désir et leur attente : au fond, ils étaient les contemplatifs et les mystiques de l’Ancien Testament ? Ceux du Nouveau testament attendent aussi et pressentent déjà quelque peu « ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme », et parfois ils en reçoivent un avant-goût, comme en témoigne saint Paul qui dit avoir été ravi au troisième ciel et avoir entendu des paroles inénarrables, et tant d’autres mystiques, des hommes et des femmes comme nous. Leurs chemins sont en gros les mêmes que ceux de Syméon et d’Anne : une certaine solitude, parfois le célibat, le jeûne et les veilles, la fréquentation assidue de Dieu.

L’institution de la vie religieuse y correspond en grande partie, mais elle n’est pas indispensable pour être invité par Dieu et être conduit par son Esprit vers ces avant-goûts inénarrables. Tout chrétien y est appelé, s’il veut bien prêter l’oreille aux motions de l’Esprit qui, tous les jours inlassablement, le guident et le poussent doucement. Et tout chrétien peut un jour recevoir la secrète assurance, un secret entre Dieu et lui, qu’il ne verra pas la mort avant d’avoir vu le Messie de Dieu, revenant dans sa gloire.

 

                                    La joie vive –Méditations à Sainte-Lioba tome 2 Editions Salvator