La Résurrection — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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La Résurrection

Evangile et peinture

A quoi pourrait-on comparer ce miracle de la résurrection ? Nous lisons qu’il y eut bien des résurrections avant celle du Christ, mais tous ces ressuscités ne sont que comme les précurseurs du Christ, dont la résurrection dépasse de beaucoup les leurs.

Bernard de Clairvaux

Premier sermon pour la Résurrection du Seigneur. (extraits)

A quoi pourrait-on comparer ce miracle de la résurrection ? Nous lisons qu’il y eut bien des résurrections avant celle du Christ, mais tous ces ressuscités ne sont que comme les précurseurs du Christ, dont la résurrection dépasse de beaucoup les leurs. En effet, tous ils  ressuscitèrent que pour mourir une seconde fois, or « Jésus-Christ ressuscite d'entre les morts pour ne plus mourir, la mort ne doit plus avoir d'empire sur lui (Rm 6,9). » Les autres morts ont encore besoin de ressusciter une seconde fois : quant au Christ, s'il est mort à cause du péché, il n'est mort qu'une fois, et s'il vit maintenant, il vit pour Dieu, il vit pour l'éternité (Rm 6,10).   

Il y a encore un point où éclate la gloire incomparable de cette résurrection. Quel est celui de tous les autres ressuscités qui s'est ressuscité lui-même? Il est inouï qu'un homme, dormant un sommeil de mort, se soit éveillé de lui-même, c'est un fait unique, il n'a jamais été donné à qui que ce soit, non, absolument à personne, de l'accomplir. Le prophète Elisée ressuscita un mort (2 R 4,33 ss), mais un autre mort que lui-même, et, depuis tant d'années qu'il repose su fond de son sépulcre, il attend qu'un autre l'en fasse sortir car il ne saurait sortir de lui-même, et celui dont il attend cela, c'est Celui qui a triomphé de l'empire de la mort dans sa propre personne. Voilà pourquoi aussi, quand nous parlons des autres, nous disons qu'ils ont été ressuscités. En parlant de Jésus-Christ, qui seul, est sorti de son sépulcre par sa propre puissance, c’est en cela qu’il a remporté la victoire, il est sorti vainqueur du tombeau, nous disons qu'il est ressuscité.     

Mais, de plus, il ne retarda point sa résurrection au-delà du troisième jour, afin d'accomplir la parole du Prophète qui avait dit : « Après deux jours, il nous rendra la vie, et il  nous ressuscitera le troisième jour (Os 6,2). » Il convient évidemment que les membres marchent sur les traces de leur chef. Ce fut le sixième jour de la semaine qu'il racheta l'homme sur la croix, le même jour que, dans le principe, il l'avait créé, et le lendemain il entra dans le sabbat du tombeau, pour s'y reposer de l'œuvre qu'il venait d'achever. Trois jours après, c'est-à-dire le premier jour de la semaine, celui que nous appelons les prémices de ceux qui dorment du sommeil de la mort même apparut vainqueur de la mort. C'était l'homme nouveau. Voilà comment nous tous qui marchons sur les pas de notre chef, nous ne devons point non plus tout au long de ce jour durant lequel nous avons été créés et rachetés, cesser de faire pénitence, de porter notre croix et d'y demeurer attachés comme il y demeura lui-même, jusqu'à ce que l'Esprit-Saint nous dise de nous reposer de nos fatigues. Qui que ce soit qui nous conseille de descendre de la croix, ne l'écoutons point. Non, mes frères, n'écoutons ni la chair, ni le sang, ni même l'esprit qui nous le conseillerait. Demeurons attachés à la croix, mourons sur la croix, n’en descendons que portés par des mains étrangères, que ce ne soit jamais par le fait de notre légèreté. Ce furent des hommes justes qui détachèrent notre chef de la croix, puisse-t-il nous faire la grâce de charger ses anges de nous descendre de la nôtre, afin que, après avoir vécu en hommes le jour de la croix, nous goûtions le second jour, qui est celui qui commence à notre mort, un doux repos, dans l'heureux sommeil du sépulcre, en attendant l'accomplissement de nos espérances et la gloire de notre grand Dieu qui doit ressusciter nos corps le troisième jour, et les rendre semblables à son corps glorieux. 

Considérons aussi avec une sérieuse attention ce que cette solennité nous enseigne en particulier. En effet, qui dit résurrection dit passage, transmigration. En effet, mes frères, le Christ ne s’est point reposé aujourd'hui, il est allé au-delà. Il n’est pas revenu à ce qu’il était. Enfin la pâque même que nous célébrons ne signifie point retour mais passage, et la Galilée où l’on nous promet que nous verrons le ressuscité, n'a pas le sens de retour, mais de transmigration. Je m'imagine que l'esprit de plusieurs d'entre vous me devance et soupçonne où j'en veux venir. Je le dirai pourtant, mais en deux mots, afin de ne point fatiguer votre attention par un trop long discours dans ce jour de fête. Si, après la consommation de la croix, le Christ n'était revenu à la vie que pour recommencer notre existence pleine de misères, je ne vous dirais point, mes frères qu'il a passé mais qu'il est revenu, ni qu'il s'est élevé à un état plus sublime, mais qu'il est rentré dans celui où il était auparavant. Mais comme il est entré dans une vie toute nouvelle, il nous invite, par son exemple, à faire aussi notre pâque et à le suivre dans la Galilée, d'autant plus, qu'en montrant par le péché, il n'est mort qu'une fois, et que, maintenant qu'il vit, il vit non pour la chair, mais pour Dieu.   

Or, que disons-nous en privant de la résurrection du Seigneur du nom de pâque qui lui est propre, et qui en faisons plutôt un retour qu'un passage pour nos âmes? Nous avons versé des larmes pendant ces derniers jours, tout adonné à la pénitence et à la prière, au recueillement et à l'abstinence afin de racheter et d'effacer pendant cette sainte quarantaine nos négligences du reste de l'année. Nous avons communié aux souffrances du Christ, et nous avons été de nouveau transplanté en lui, par un second baptême, par le baptême de larmes, de pénitence et de confession, s'il m'est permis de parler ainsi. « Si donc nous sommes véritablement morts au péché, comment continuer de vivre dans le péché? (Rm 6,2). »  Si nous avons pleuré sur nos négligences, comment se peut-il que nous y retombions encore désormais? On nous retrouvera donc encore curieux et bavards comme auparavant, lâches et négligents comme jadis, vains, soupçonneux, toujours à critiquer, irascibles et le reste, après avoir gémi dans ces derniers temps de trouver tous ces défauts en nous. «  J'ai lavé mes pieds, comment pourrai-je me décider à les souiller de nouveau. Je me suis dépouillé de ma vieille tunique, comment consentirai-je à m'en revêtir encore?(Ct 5,3). » Le faire mes frères, ce n'est pas prendre le chemin qui nous fera voir le Christ, ce n'est pas en suivant cette route que nous arriverons au lieu où Dieu nous montrera le Sauveur qu’il nous envoie. Après tout, quiconque regarde en arrière, est indigne du royaume de Dieu (Lc. 9,62).        

Pour vous donc, maintenant, ô mes bien-aimés, si vous êtes ressuscités avec Jésus-Christ, recherchez maintenant ce qui est dans le ciel où le Christ est assis à la droite de Dieu. N'ayez de goût que pour les choses du ciel, non plus pour celles de la terre (Col 3,1ss), afin que, de même que le Christ est ressuscité d'entre les morts par la gloire de son Père, vous marchiez aussi dans une voie nouvelle (Rm 6,4), et passiez avec bonheur des joies et des consolations du siècle à un saint empressement et à une exultation spirituelle avec la grâce de celui qui est passé de ce monde à son Père (Jn 13,1), et qui daigne nous appeler à sa suite dans la Galilée, pour s’y montrer à nous, lui qui est Dieu et béni par-dessus tout dans les siècles des siècles.

 

Bernard de Clairvaux

Second sermon pour la Résurrection du Seigneur. (extraits)

Nous avons appris de l'Apôtre que c'est par la foi que le Christ habite dans nos cœurs (Ep 3,17), d'où je crois qu'il est permis de conclure que le Christ vit en nous aussi longtemps que la foi y demeure, et que, dès que notre foi est morte, on peut dire en quelque sorte que le Christ y est mort aussi. Or, ce qui prouve une foi vivante, ce sont les œuvres, selon ces paroles: « Les œuvres que mon Père m'a donné de faire rendent témoignage de moi (Jn 5,36) » qui ne semblent pas s'éloigner beaucoup de la pensée qu'un autre apôtre exprimait en disant que la foi sans les œuvres est une foi morte (Jc 2,17). De même que nous connaissons que le corps est en vie à ses mouvements, ainsi c’est par ses œuvres que nous voyons que la foi est vivante. Mais la vie même de la foi c'est la charité, attendu que c'est par elle qu'elle opère, suivant ces paroles de l'Apôtre : «La foi qui opère par la charité, (Ga 5,6), » aussi voyons-nous la foi mourir quand la charité se refroidit, de même que le corps périt quand l'âme s'en éloigne. Si donc vous voyez un homme, appliqué à des bonnes œuvres, mener gaiement une vie pleine de ferveur, soyez sûr que la foi vit en lui, car vous en avez la preuve tout à fait irrécusable. Mais il y en a qui commencent d'une manière spirituelle et qui finissent par la chair. Nous savons que dans ceux-là l'esprit de vie ne demeure plus selon ce mot de l'Ecriture : « Mon esprit ne demeurera point pour toujours dans l'homme, parce qu'il est chair (Gn 6,3) » Or, si l'esprit de Dieu ne reste plus dans un homme, il est clair que la charité ne s'y trouve plus non plus, puisqu'elle n'est répandue dans nos cœurs que par le Saint-Esprit qui nous a été donné (Rm 5,5).

 

Ainsi donc le Christ au tombeau, c'est la foi morte dans une âme. Comment en agirons-nous avec lui? Que firent les saintes femmes qui avaient seules conservé pour le Seigneur un amour plus ardent que tous ses autres disciples? « Elles ont acheté des aromates pour venir embaumer Jésus. » Etait-ce pour le ressusciter? Non, mes frères, nous savons bien qu'il ne nous est pas donné de le ressusciter. Tout ce que nous pouvons faire c'est de l'embaumer. Pourquoi cela? Pour que celui qui est mort comme lui, ne répande point une mauvaise odeur, une odeur de mort pour les autres et qu'elle ne s'exhale de tous côtés et qu'il ne tombe lui même en pourriture.

 

L'esprit ira donc chercher ces aromates, c'est-à-dire, au premier rang, le sentiment de la compassion, puis le zèle de la droiture, sans omettre, dans le nombre l'esprit de discernement. En effet, toutes les fois que vous voyez un de vos frères pécher, votre premier sentiment doit être un sentiment de compassion, comme étant d'ailleurs le plus naturel à l'homme, puisque nous en trouvons le motif au fond de nous-mêmes. L'Apôtre ne nous dit-il point : « Pour vous qui êtes spirituels, ayez soin de relever ce frère dans un esprit de douceur, en réfléchissant sur vous-mêmes et en craignant d'être tentés aussi bien que lui (Ga 6,1). » Et le Seigneur, lorsqu'il sortait de Jérusalem, en portant sa croix, et qu'il rencontra, non pas encore toutes les nations du monde, mais quelques femmes seulement qui pleuraient sur lui, il se tourna vers elles et leur dit : « Filles de Jérusalem, ne pleurez point sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants (Lc 23,38.) » Remarquez la gradation : « sur vous » d'abord, dit-il, puis « sur vos enfants. » C'est donc sur vous, mes frères, que vous devez d'abord arrêter votre attention si vous voulez apprendre à compatir aux maux des autres, et les reprendre ensuite en esprit de douceur. Soyez attentifs à vous-mêmes, dit-il, et craignez d'être tentés à votre tour. Mais comme les exemples nous touchent toujours bien plus que les paroles et se gravent plus profondément dans nos cœurs, laissez-moi vous renvoyer à ce saint vieillard qui, en apprenant qu'un de ses frères était tombé dans une faute, se mit à pleurer amèrement et à s'écrier : Lui aujourd'hui, et moi demain. Pensez-vous, que celui qui pleurait ainsi sur lui-même ne sût point compatir au malheur de son frère? D'ailleurs ce sentiment de compassion sert à beaucoup à la fois, attendu qu'un esprit généreux se reprocherait de contrister quelqu'un qu'il voit inquiet pour lui.

 

 Mais que faisons-nous, car il y en a plusieurs qui ont la tête dure et le cou habitué au joug, au point que, plus nous compatissons à leurs maux, plus ils abusent de notre patience et de notre compassion. Ne devons-nous point compatir aux souffrances de la justice, comme nous compatissions au malheur de notre frère, surtout quand nous la voyons si impudemment rejetée, et provoquée avec tant d'imprudence? Je sais que si nous avons l'ombre de charité, nous ne pourrons supporter avec une âme impassible ce mépris de Dieu. C'est dans cette impatience que consiste le zèle de la justice, dont nous nous sentons transportés contre les fraudeurs, comme si nous étions touchés d'un sentiment de pitié envers cette justice de Dieu que nous voyons foulée aux pieds. Toutefois, il faut que la compassion ait le pas sur le zèle de la justice, autrement, dans un mouvement d'indignation, nous briserions les vaisseaux de Tharsis (Ps 47,8), nous achèverions le roseau à demi rompu, et nous éteindrions tout à fait la mèche qui fume encore.

 

 Mais quand nous aurons réuni ces deux aromates, le sentiment de la compassion et le zèle de la justice, il faudra nous procurer l'esprit de discernement, de peur que lorsqu'il y a lieu à faire preuve de compassion, ce soit le zèle de la justice qui se montre, et que, faute de discernement, nous ne confondions toutes choses, au lieu de tenir prudemment compte du temps, et de montrer du zèle quand il le faut, et de savoir aussi pardonner dans l'occasion. Il n'y a que le Samaritain, pour savoir à propos tantôt verser l'huile sur les plaies, et tantôt y verser du vin. D'ailleurs, pour que vous ne pensiez pas que cette pensée est de moi seulement, écoutez le Psalmiste, il ne demande que ce que je vous demande, et dans le même ordre, quand il dit : « Enseigne-moi, Seigneur, la bonté, la discipline et le savoir (Ps 118,66). »

 

Mais où pourrons-nous nous procurer ces aromates? Car la terre de notre cœur ne saurait produire de pareilles vertus, elle nous donnerait plutôt des ronces et des épines. Il nous faut donc les acheter quelque part. Mais qui nous les vendra? Ce sera celui qui a dit : « Venez, achetez sans argent et sans aucun échange, du lait et du vin. (Es 55,1). » Or, vous savez ce que désigne la douceur du lait, et ce que rappelle l'âpreté du vin. Mais que faut-il entendre par ces mots, acheter sans argent et sans aucun échange? Car ce n'est pas ainsi qu'on fait dans le monde. Il ne peut y avoir une autre manière d'acheter que chez l'auteur même du monde, aussi le Prophète dit-il au Seigneur : « Tu es mon Dieu, car tu n’as pas besoin de mes biens (Ps 15,2). » Qu'est-ce donc que l'homme lui donnera en échange de la grâce, puisque, étant le maître de tout, il n'a besoin de rien? Sa grâce, il la donne gratuitement, et lors même qu'il la vend, celui qui l'achète ne la paie point, car ce que l’on donne pour elle, on le possède mieux encore.

 

 C'est donc avec notre volonté propre que nous devons acheter les trois aromates de l'esprit, car remarquons qu'en payant avec cette monnaie, non seulement nous ne nous appauvrissons point, mais même nous faisons un profit considérable, puisque nous l'échangeons pour quelque chose de mieux pour la vie commune Or la volonté commune, c'est la charité. Voilà donc comment nous achetons sans rien échanger, puisque nous acquérons ce que nous n'avions point, et que ce que nous avions nous le conservons en mieux. Mais comment compatir au sort de notre frère, qui ne sait compatir lui-même qu'à ses propres malheurs, dans sa volonté propre? Et comment celui qui n'aime que lui aimera-t-il la justice, et haïra-t-il l'iniquité? Il peut, il est vrai, simuler aux yeux des hommes, et même se séduire lui-même, au point de se figurer, quand il n'est conduit que par l'égoïsme et par la haine, qu'il ne cède qu'au sentiment de la compassion, et au zèle pour la justice. Il est bien facile de voir combien sont éloignées de la volonté propre, les choses qui sont propres à la vraie charité que la volonté propre attaque de front. En effet, la charité est bienveillante et ne se réjouit pas du mal (1 Co 13,4). Quant à l'esprit de discernement, nous savons qu'il n'y a rien qui l'éloigne comme la volonté propre, car elle met la confusion dans le cœur de l'homme, et bouche les yeux de la raison. Ainsi, c’est au  prix de la volonté propre comme je vous le disais tout à l'heure, que nous devons acheter les trois sortes d'aromates de la pensée que sont l’élan de compassion, le zèle de la justice, et l'esprit de discernement.

 

Guerric d’Igny

Premier sermon pour la Résurrection du Seigneur. (extraits)

Maintenant donc, mes frères, que vous atteste la joie de votre cœur touchant votre amour pour Jésus-Christ? Je pense, et je vous laisse le soin de dire si c'est avec raison, je pense que si jamais vous avez aimé ce divin Sauveur vivant, mort, ou rendu à la vie, aujourd'hui que, dans l'Eglise, d'un commun accord, tant de messagers annoncent sa résurrection, votre cœur se glorifie en tous et s'écrie : une nouvelle m'est parvenue, attestant que Jésus mon Dieu vit. Alors, mon esprit, qui dormait dans la tristesse, qui languissait dans la tiédeur, et défaillait par une faiblesse excessive, mon esprit s'est ranimé. Car la voix agréable qui annonce un événement si heureux tire les criminels du sein de la mort. Sans cela, il faut désespérer et ensevelir dans l'oubli celui que Jésus, sortant des enfers, a laissé au fond de l'abîme. Vous connaîtrez que votre esprit a pleinement repris vie à cette marque, s'il dit avec sentiment la parole qui suit : Jésus vit, c'est assez pour moi. Ô parole de foi et bien digne de ceux qui aiment Jésus-Christ !

Pour nous, cependant, mes frères, bien que nous n'ayons pas conscience d'une si grande pureté, allons néanmoins, allons voir Jésus sur la montagne de la Galilée céleste, au rendez-vous qu'il nous a donné. En nous dirigeant vers ce but, notre affection croîtra et arrivera à sa perfection quand nous toucherons au terme. En y allant, le chemin, d'abord étroit et difficile, s'élargit, et la force augmente en ceux qui sont faibles.

Celui qui d'abord a envoyé les anges, les saintes femmes et les apôtres pour annoncer et attester sa résurrection, vous crie maintenant du haut du ciel : voici celui dont  vous pleuriez la mort durant ces trois jours, j'ai été livré à la mort à cause de vous, mais je vis et toute puissance m'a été donnée au ciel et sur la terre. «  Venez à moi, vous tous qui êtes affamés, et je satisferai votre faim (Mt 11,28). Venez les bénis de mon Père, recevez le royaume que je vous ai préparé (Mt 25,34).»

 Qu'il daigne vous conduire, puisqu'il vous y appelle, en ce royaume où, avec le Père et le Saint-Esprit, il vit et règne dans tous les siècles des siècles.

 

Guerric d’Igny

Deuxième  sermon pour la Résurrection du Seigneur. (extraits)

« Bienheureux et saint, celui qui a part à la résurrection première (Ap 20,6). » Je suis, s'écrie Jésus, « la résurrection et la vie (Jn 11,25). » C'est donc lui qui est la première résurrection, il est aussi la seconde. Car le Christ, qui est les prémices de ceux qui dorment dans le tombeau, a opéré pour nous, par le mystère de sa résurrection, notre première résurrection, et il opérera la seconde par le modèle de cette même résurrection. La première, c'est celle des âmes, lorsqu'il les établit dans une vie nouvelle. La seconde sera celle des corps, lorsqu'il transformera le corps de notre humilité, et le rendra conforme au corps de sa gloire (Ph 3,21). C'est- donc avec raison que Jésus Christ se proclame la résurrection et la vie. En effet, c'est par lui et en lui que nous ressuscitons pour vivre selon lui et en lui, maintenant selon lui, dans la sainteté et la justice, et, plus tard, en lui, dans la béatitude et la gloire. Or, comme la première résurrection de notre chef, le Christ, est la cause de l'augmentation de la seconde, qui sera celle de tout le corps, de même, en chacun de nous, la première résurrection, par laquelle l'âme revit en sortant du péché, est l'augmentation de la seconde résurrection, par laquelle le corps sera délivré, non seulement de la corruption de la mort, mais encore de tout principe corruptible de mortalité. Que l'une soit la marque et la cause de l'autre, l'Apôtre nous le montre évidemment quand il dit : « Si l'esprit de Jésus qui l'a ressuscité des morts, habite en vous, il vivifiera aussi vos corps mortels à cause de son esprit qui réside en vous (Rm 8,11). »

 

 Seulement, soyez reconnaissants envers la grâce de Dieu, et, comme les mystères des fêtes pascales vous ont fait nouvelle créature, de même marchez toujours dans une vie nouvelle. Vous qui êtes devenus participants de Jésus-Christ par la foi, par la réception du sacrement, par la communion au Saint-Esprit, efforcez-vous avec soin, non-seulement de retenir jusqu'à la fin le commencement de la substance divine, mais encore de l'augmenter, afin que, à raison de tant de faveurs privilégiées, ayant part à la résurrection première, et étant marqués de tant de gages de confiance dans le jour de la lumière, vous ayez un droit éternel à la seconde résurrection par Notre-Seigneur Jésus-Christ, notre résurrection et notre vie, qui, mort pour nous durant trois jours, vit et règne dans tous les siècles des siècles.

 

Guerric d’Igny

Troisième  sermon pour la Résurrection du Seigneur. (extraits)

« Bienheureux et saint, celui qui a part à la première résurrection (Ap 20,6)». Jésus-Christ est le premier de ceux qui dorment du sommeil de la mort, parce que, par sa résurrection, qui est la première de toutes, il a inauguré pour nous la résurrection première, celle des âmes, et la seconde résurrection, celle des corps, lorsque, dans son corps arraché à la mort, il a procuré aux âmes un sacrement, et au corps un exemple de résurrection. Mais de plus, la simple résurrection de Jésus a fourni aux âmes elles-mêmes une double grâce de résurrection, lorsque chaque jour elles reviennent de la mort du péché par l'opération des saints mystères, et lorsque, aujourd'hui principalement, elles sortent, par l'effet d'une dévotion pleine de joie, du sommeil de la nonchalance. Quel est, en effet, l'homme assez tiède, assez engourdi pour entendre en ce jour ce cri plein de joie : « Le Seigneur est ressuscité, » sans tressaillir, sans revivre et sans être ranimé tout entier? Bien plus, « Mon cœur et mes os ont tressailli pour le Dieu vivant s'écrie le Psalmiste (Ps 84,2), » moi qui avais été entièrement plongé dans la tristesse et le désespoir, en voyant Jésus mort. C'est un accroissement de foi, une augmentation de joie, de voir Jésus sortir pour moi du tombeau, de contempler vivant ce Dieu que peu de temps auparavant on pleurait comme, un homme mort, que mon cœur regrettait comme frappé du trépas. Or, en lui maintenant tressaillent non seulement mon cœur, mais encore ma chair, qui est assurée, par lui, de sa résurrection et de son immortalité. Ô mon âme, « j'ai dormi et me suis levé (Ps 3,6) » s'écrie Jésus-Christ. Lève-toi, toi qui dors aussi, dans les régions de la mort, et le Christ t'illuminera. Mes frères, n'est-il pas semblable à un mort, celui qui est encore immobile quand le soleil est déjà levé, celui qui, dans sa négligence et sa nonchalance, et dans une sorte d'engourdissement, se livre au désespoir, lorsque la grâce de la résurrection brille de toutes parts? Ce soleil nouveau, sortant des enfers, frappe les yeux et ouvre le jour de l'éternité en faveur de ceux qui veillent pour lui, dés le matin. Ce jour ne connaît pas de soir, son soleil ne se couchera plus, parce que, s'étant incliné une fois, il est monté au dessus de tout déclin, en se soumettant la mort.

 

Ô mes frères, voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous et livrons-nous aux transports de l'allégresse (Ps 118,24). Tressaillons en son espérance, afin de voir sa lumière et d'en jouir. « Abraham tressaillit dans le désir de voir le jour du Christ, il mérita de le voir, et il se réjouit (Jn 8,56).» Vous aussi, si tous les jours vous veillez aux portes de la sagesse, et vous vous tenez attentifs sur le seuil de sa demeure, et, avec Marie Madeleine, veillez à son tombeau (Mt 27,61), vous éprouverez, si je ne me trompe, avec la même Marie, combien véritable est ce qu'on lit du Christ, qui est la sagesse même : « Elle est vue facilement de ceux qui la chérissent, et ceux qui la cherchent la rencontrent. Elle va au devant de ceux qui la désirent, afin de se montrer la première à eux. Quiconque veillera dès le point du jour, pour l'attendre, ne se fatiguera pas, il la trouvera assise à sa porte (Sg 6,13). C'est là la promesse que le Seigneur a faite en ces termes : « J'aime ceux qui m'aiment, et ceux qui, dès le matin, veillent pour moi me trouveront (Pr 8,17). » Marie rencontra corporellement Jésus Christ pour qui elle veillait, et au tombeau où elle était venue veiller, lorsque les ténèbres régnaient encore. Pour vous qui ne devez plus connaître Jésus selon la chair, mais bien selon l'esprit, vous pourrez le rencontrer spirituellement, si vous le cherchez avec un semblable désir, s'il vous voit persister dans la prière avec une vigilance semblable. Dites donc à ce divin maître, avec le désir et l'affection de Marie : « Mon âme t’a désiré la nuit, et mon esprit s'est ému en mes entrailles, dès le matin je veillerai pour toi (Es 26,9). » Dites-lui avec les accents, et le cœur du Psalmiste : « Mon Dieu, mon Dieu, je veille après toi dès le point du jour. Mon âme a soif de toi (Ps 63,2). » Et voyez s'il ne vous conviendrait pas de chanter : « Le matin, nous avons été remplis de ta miséricorde, nous avons tressailli et nous nous sommes réjouis avec délices (Ps 90,14). »

 

 Veillez donc, mes frères, et soyez appliqués à la prière, veillez et soyez circonspects dans vos actions, surtout parce que déjà brille, à nos yeux, le matin de ce jour sans déclin, la lumière éternelle nous revient de l'abîme plus agréable et plus pure, et cette aurore nous apporte un soleil nouveau. C'est l'heure de sortir du sommeil, maintenant que la nuit a disparu et que le jour est arrivé. Veillez donc, puisque la lumière du matin, le Christ, se lève pour vous, sa sortie s'est préparée comme celle de l'aube, il est prêt à renouveler souvent, dans ceux qui veillent, pour lui, le mystère de sa résurrection matinale. Alors vous chanterez dans l'allégresse de votre cœur : « Le Seigneur Dieu a projeté ses lueurs sur nous. Voici le jour que le Seigneur a fait, réjouissons-nous et livrons-nous à de saints transports (Ps 118,24) » puisqu'il a laissé briller à nos yeux la lumière qu'il tenait cachée dans ses mains, et annoncé à son ami qu'elle est à lui et qu'il peut aller à elle (Jb 26). Jusques à quand, paresseux, dormiras-tu ? Combien de temps sommeilleras-tu encore ? « Tu dormiras un peu, tu sommeilleras un peu, tu replieras tes mains pour te livrer un peu au repos (Pr 6,10) » et quand le Christ sera sorti du tombeau à ton insu, tandis que tu étais enseveli dans le sommeil, quand sa gloire venant à passer, tu n'auras point mérité d'en voir les lueurs, même par derrière, alors, dans ton regret tardif, tu te plaindras et tu diras avec les impies : « Ainsi donc, nous nous sommes écartés du chemin de la vérité, et la lumière de la justice n'a pas lui pour nous, et le soleil de l'intelligence ne s'est point levé pour, nous. (Sg 5,6). » Mais pour vous « qui craignez mon nom, » dit le Seigneur, « le soleil de justice se lèvera (Ml 3,2)  » C'est là la béatitude réservée à la vie qui suivra celle-ci, mais, dans une certaine mesure, elle est accordée aussi pour la consolation de celle que nous menons sur la terre, ainsi que le prouve évidemment la résurrection de Jésus-Christ.

 

Que ceux qui marchent dans les chemins de la justice entendent cela et se réjouissent, qu'ils entendent, car Jésus favorise, de ses avances et de sa manifestation, non seulement ceux qui s'appliquent à la contemplation, mais encore ceux qui suivent avec justice et piété les sentiers de la vie active. Plusieurs d'entre vous, si je suis bien informé, en ont fait l'expérience, souvent, ils ont cherché Jésus au sépulcre, si je puis parler ainsi, en passant à l'autel, et ne l'ont point rencontré, et ce même Jésus s'est montré à eux d'une façon inespérée dans la voie du travail. Alors, ils se sont approchés et ils ont embrassé ses pieds, parce que la paresse n'avait point arrêté leur marche, tant ils désiraient voir Jésus. Ne ménagez donc point vos pas dans les chemins de l'obéissance et dans les détours des bonnes œuvres, puisque Jésus n'a point ménagé les siens quand ses pieds étaient exposés aux atteintes des clous, et ne s'est point fatigué de récompenser ou de soulager le travail de vos pieds, en vous permettant de saisir et d'embrasser les siens.

 

Quelle consolation n'éprouverez-vous pas, en effet, s'il se joint à vous comme compagnon de route, si, par les charmes ravissants de ses entretiens, il fait disparaître, pour vous, ce que le travail a de pénible, et vous, de plus, vous aurez l'intelligence pour vous faire comprendre ces Ecritures que vous lisez peut-être chez vous sans en pénétrer le sens? Je vous prie de nous le dire, vous à qui la bonté divine a fait faire cette douce expérience, n'est-il pas vrai que votre cœur était ardent pour Jésus lorsqu'il vous parlait en route et vous expliquait les Ecritures? Qu'ils se souviennent donc de ces douceurs, ceux qui les ont éprouvées, et que, dans les voies du Seigneur, ils chantent combien grande est la gloire de Dieu. Qu'ils y croient et souhaitent d'en faire l'expérience, ceux qui ne les ont jamais éprouvées, afin de chanter, eux aussi, les justifications du Seigneur, dans le lieu de leur affection et de leur exil.

 

Que notre esprit donc se relève et se ranime en nous tous, pour que nous soyons vigilants dans la prière ou empressés dans les œuvres, afin que, par sa ferveur vive et renouvelée, il montre qu'il a eu de nouveau part à la résurrection de Jésus-Christ. Et la première marque de la vie qui rentre dans l'homme, c'est qu'il devienne vaillant et actif dans la pratique des œuvres.