Le discernement — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Le discernement

Nous ruinons notre vie de prière si nous sommes sans cesse à examiner notre oraison, et à en chercher le fruit dans une paix qui n’est autre qu’un simple processus psychologique.

Nous ruinons notre vie de prière si nous sommes sans cesse à examiner notre oraison, et à en chercher le fruit dans une paix qui n’est autre qu’un simple processus psychologique. Dans la prière contemplative il ne faut chercher que Dieu ; et nous le cherchons avec succès quand nous réalisons l’impossibilité où nous sommes de Le trouver, s’Il ne se montre Lui-même à nous ; et, en même temps, qu’Il ne nous aurait pas inspiré de Le chercher si nous ne L’avions déjà trouvé.

Plus nous sommes contents de notre pauvreté, plus nous sommes proches de Dieu, car alors, nous acceptons en paix notre pauvreté, n’attendant rien de nous et tout de Lui.

La pauvreté est la porte de la liberté, non que nous demeurions emprisonnés dans l’anxiété et la contrainte impliquées dans la misère, mais parce que, dans notre impuissance absolue à trouver en nous une source d’espérance, nous avons conscience de n’avoir rien à défendre. Il ne nous reste rien à perdre. Aussi sortons-nous de nous-mêmes et nous reposons-nous en Celui en qui seul est notre espérance.

Il y a un moment dans la vie spirituelle où nous trouvons Dieu en nous, cette présence est un effet créé de son amour. C’est un don de Lui à nous. Il demeure en nous. Tous les dons de Dieu sont bons. Mais si nous nous arrêtons en eux, plutôt qu’en Lui, ils perdent leur bonté pour nous. Ainsi en va-t-il de ce don. Lorsque l’heure a sonné pour nous de poursuivre notre route spirituelle, Dieu retire le sentiment de sa présence, afin de fortifier notre foi. Il est inutile alors de Le chercher par la méditation d’un effet psychologique. Inutile de nous efforcer de tirer de notre cœur un sentiment quelconque de Lui. L’heure est venue de sortir de nous-mêmes, de nous dépasser, et de Le trouver non plus au-dedans, mais au-dessus de nous. Nous y arrivons d’abord par la foi sèche, par une espérance qui brûle comme de la braise sous les cendres de notre pauvreté. Alors, quand Dieu le veut, Il nous élève à Lui en simplicité.

Désirez-vous mener une vie spirituelle, unifiez votre vie. Une vie est toute spirituelle, ou elle ne l’est point du tout. Nul ne peut servir deux maîtres. Votre vie se modèle d’après le but pour lequel vous vivez. Vous êtes façonné à l’image de vos désirs.

Pour unifier votre vie, unifiez vos désirs. Pour spiritualiser votre vie, spiritualisez vos désirs. Pour spiritualiser vos désirs, aimez votre pauvreté et ne désirez plus rien d’autre que la miséricorde divine.

Vivre selon l’Esprit, c’est vivre pour un Dieu, en qui nous croyons, mais sans pouvoir Le voir. Désirer cette vie, c’est donc renoncer au désir de tout ce qu’on peut voir. Posséder Celui qu’on ne peut comprendre, c’est renoncer à tout ce que l’on peut comprendre. Pour se reposer en Celui qui dépasse tout repos créé, on renonce au désir de se reposer dans les créatures.

En renonçant au monde, nous conquérons le monde ; nous nous élevons au-dessus de sa multiplicité, et nous la récapitulons dans la simplicité d’un amour qui trouve tout en Dieu.

Telle est la vérité que Jésus voulait nous faire entendre lorsqu’Il disait : « Qui voudra sauver sa vie la perdra, et qui perdra sa vie pour Dieu, la sauvera » (Jn 12, 28).

Thomas Merton, Les chemins de la joie (Extraits)
Traduction par une moniale bénédictine du Mont-Olivet, Plon Editeur (1961), (P. 58 à 61).