Il y a trois choses dans l'oeuvre de ce monde ... — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Il y a trois choses dans l'oeuvre de ce monde ...

Bernard de Clairvaux : Troisième sermon pour le jour de la Pentecôte. (Extraits)
Il y a trois choses dans l'œuvre de ce monde qui doivent attirer nos pensées : qu'est ce que le monde, comment existe-t-il, et pourquoi a-t-il été fait ?

Bernard de Clairvaux : Troisième sermon pour le jour de la Pentecôte. (Extraits)

 Il y a trois choses dans l'œuvre de ce monde qui doivent attirer nos pensées : qu'est ce que le monde, comment existe-t-il, et pourquoi a-t-il été fait ? Dans la création des êtres éclate d'une manière admirable, la puissance qui a créé tant et de si grandes choses, en si grand nombre et avec tant de magnificence. Dans la manière dont elles ont été faites, se montre une sagesse unique qui a placé les uns en haut, les autres en bas et d'autres encore au milieu. Si nous réfléchissons sur la fin pour lesquelles toutes ces choses ont été faites, nous trouvons, en elles toutes, la preuve d'une si utile bonté et d'une si bonne utilité, qu'il y a en elles de quoi accabler sous la multitude et la grandeur des bienfaits dont elles sont pleines pour nous, les plus ingrats des hommes. Dieu a donc montré sa puissance infinie, en faisant tout de rien, d'une sagesse égale, en ne faisant rien que de beau, et d'une bonté pareille à sa sagesse et à sa puissance, en ne créant rien que d'utile. Mais nous savons qu'il y eut, dès le commencement, et nous voyons tous les jours qu'il y en a beaucoup parmi les enfants des hommes, que les biens de l'ordre mystérieux et sensible de la nature tiennent courbés sous les jouissances sensuelles, bien des hommes, dis-je, qui se sont donnés tout entiers aux choses créées sans se demander jamais ni comment, ni pourquoi elles ont été créées. Comment les appellerons-nous, sinon hommes charnels ? Il y en a bien quelques-uns, je pense, et l'histoire nous apprend qu'il en a existé plusieurs dans ces dispositions-là, dont le goût unique et la suprême occupation sont de rechercher ce que Dieu a fait, et comment il l'a fait, d'une manière si exclusive, que non-seulement, pour la plupart, ils ont négligé de s'enquérir de l'utilité des choses, mais sont allés même jusqu'à les mépriser avec magnanimité, et à se contenter d'une nourriture à peine suffisante et vile. Ces gens-là se sont donnés à eux-mêmes le titre de philosophes ; quant à moi, pour les appeler par leur véritable nom, je dirai que ce sont des hommes curieux et vains.

A ces deux espèces d'hommes en ont succédé de beaucoup plus sages qui, comptant pour peu de chose de savoir ce que Dieu a fait et comment il l'a fait, ont appliqué toute la sagacité de leur esprit à découvrir pour quelle fin il l'a fait, aussi ne leur a-t-il point échappé que tout ce que Dieu a fait, il l'a fait pour lui et pour les siens… Il a donc fait toute chose pour lui, par pure bonté, et il a fait toutes choses pour ses élus, c'est-à-dire en vue de leur utilité, en sorte que dans le premier cas, nous avons la cause efficiente des êtres, et dans le second nous en trouvons la cause finale. Les hommes spirituels sont donc ceux qui usent de ce monde comme s'ils n'en usaient pas, et qui cherchent Dieu dans la simplicité de leur âme, sans se mettre beaucoup en peine de savoir de quelle manière tourne la machine du monde. Ainsi les premiers sont pleins de volupté, les seconds de vanité et les troisièmes de vérité.

Je suis heureux, mes frères, que vous apparteniez à l'école de ces derniers, c'est-à-dire à l'école du Saint-Esprit, où vous apprendrez la bonté, la discipline et la science et où vous pourriez vous écrier : j'ai eu plus d'intelligence que tous ceux qui m'instruisaient (Ps 118,99).

Mais comme le pouvoir des miracles est accordé quelquefois à certains hommes, sans qu'ils s'en servent pour leur propre salut, le Saint-Esprit se communique en troisième lieu à nous, pour le salut, lorsque nous nous convertissons au Seigneur notre Dieu de tout notre cœur. Il nous est donné pour l'aide, lorsqu'il vient au secours de notre faiblesse dans toutes nos luttes, mais lorsqu'il rend témoignage à notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu, il vient à nous pour la consolation. Il se donne enfin pour la ferveur, lorsque dirigeant son souffle puissant dans le cœur des saints, il y allume le violent incendie de l'amour qui fait que nous nous glorifions non seulement dans l'espérance des enfants de Dieu, mais même dans nos tribulations, recevant les humiliations comme un honneur, les affronts comme une joie, les humiliations enfin comme une élévation. Nous avons tous reçu le Saint-Esprit pour le salut, si je ne me trompe, mais je ne pense pas qu'on puisse dire de même que nous l'avons tous reçu pour la ferveur. En effet, il y en a bien peu qui soient remplis de ce dernier esprit-là, et bien peu qui cherchent à l'avoir. Satisfaits dans les entraves où nous nous trouvons, nous ne faisons rien pour respirer en liberté, rien même pour aspirer à cette liberté. Prions donc, mes frères, que les jours de la Pentecôte, ces jours de détente et de joie, ces vrais jours de jubilé s'accomplissent en nous. Puisse le Saint-Esprit nous retrouver toujours tous ensemble, unis de corps, unis également de cœur, et rassemblés dans le même lieu, en vertu de notre promesse de stabilité, à la louange et à la gloire de l'Epoux de l'Église, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui est élevé par dessus tout, étant Dieu, et béni dans tous les siècles.