Père, lorsque j'étais avec eux... — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Père, lorsque j'étais avec eux...


« Père, lorsque j'étais avec eux, je les gardais en ton nom (Jn 17,12). » ...

Guerric d’Igny, Sermon pour l’Ascension du Seigneur. (extraits)

    « Père, lorsque j'étais avec eux, je les gardais en ton nom (Jn 17,12). » Le Seigneur fit cette prière avant le jour de sa Passion. On peut cependant l'appliquer avec quelque à-propos au jour de l'Ascension, lorsque Jésus était sur le point de se séparer de ses petits enfants qu'il recommandait à son Père. Car celui qui a créé, qui éclaire et conduit, dans les cieux, la multitude des anges, avait réuni, autour de lui, une petite troupe de disciples pour les instruire sous les yeux de sa sainte humanité, jusqu'à ce que, devenus grands par les sentiments, ils fussent capables de recevoir l'esprit de discipline. Ce grand maître aimait donc d'un grand amour ces petits enfants, car, après les avoir détachés de l'amour du monde et leur avoir fait abandonner tout espérance dans le siècle, il voyait qu'ils ne dépendaient que de lui seul. Cependant, tant qu'il resta corporellement avec eux, il ne leur fit voir ni facilement, ni par de nombreux témoignages, l'affection qu'il avait pour eux. Il se montra envers eux plutôt grave que tendre, comme il convient à un maître et à un père. Mais lorsque le temps de se séparer d'eux fut venu, il parut comme vaincu par sa vive tendresse, et ne put leur dérober davantage la grandeur de son amour, qu'il leur avait cachée jusqu'alors. De là vient « qu'ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu'à la fin (Jn 13,1).  Il leur donna le sacrement de son corps et de son sang avec le pouvoir de le reproduire en donnant  cette nouvelle présence. S’il se séparait d'eux de corps en apparence, par l'effet du sacrement il restait non seulement avec eux, mais encore en eux.  Dans sa bonté ineffable, il lava les pieds de ses disciples pour leur donner un exemple de salut et un sacrement de rémission de leurs fautes.

    Alors enfin, après une exhortation prolongée, il les recommande à son Père, lève les yeux au ciel, et dit entre autres choses : « Père, lorsque j'étais avec eux, je les gardais en ton nom, et nul d'entre eux ne s'est perdu, si ce n'est le fils de la perdition. Maintenant je viens à toi. Garde en ton nom ceux que tu m'as donnés. Je ne te prie pas de les retirer du monde, mais de les protéger du mal (Jn 17,15), » et le reste du passage, car ce n'est point le lieu de le rendre ici, encore moins de l'expliquer. L'abrégé de ce discours, comme sa lecture l'indique, consiste en ces trois choses qui constituent le salut et même la perfection, tellement qu'on n'y peut rien ajouter : « Qu'ils soient préservés du mal, sanctifiés en vérité, et glorifiés avec lui. » « Père, s'écrie-t-il, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient aussi pour voir ma gloire. » Ô heureux apôtres ! Leur avocat est leur juge, pour eux intercède celui qui doit être adoré au même titre que l'est celui à qui il adresse ses prières. Le Père ne le frustrera point du désir que lui manifestent ses lèvres, car il a avec lui une même volonté et un même pouvoir, étant un seul et même Dieu avec lui. Tout ce que le Christ demande doit nécessairement s'accomplir : ses paroles sont puissance, et sa volonté est effet accompli. A propos de toutes ces créatures qui existent, « il a dit et tout a été fait, il a commandé et tout a été créé (Ps 33,9). » « Je veux, dit-il, que là où je suis, ils se trouvent eux aussi. » Ô quelle sécurité pour les fidèles, quelle confiance pour ceux qui croient ! Mais qu'ils prennent garde de ne pas rejeter la grâce qu'ils ont reçue. Ce n'est pas, en effet, aux apôtres seuls ou aux disciples qui étaient avec eux qu'une telle assurance a été donnée, mais à tous ceux qui, par leur ministère, devaient croire en la parole de Dieu. « Je ne prie pas pour eux seuls, dit le Seigneur, mais pour ceux qui, par leur prédication, croiront en moi. »

    C'est de là que vous tirez votre origine, là que vous avez votre Père et votre héritage, de là que vous attendez le Sauveur.