Pierre et Paul: deux hommes deux maîtres... — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Pierre et Paul: deux hommes deux maîtres...


C'est une glorieuse solennité pour nous, que celle qui est consacrée au souvenir de la mort si éclatante de deux illustres martyrs, des chefs des martyrs, des princes des apôtres. Je veux parler de Pierre et de Paul, ces deux astres brillants...

Pïerre et Paul: deux hommes, deux maîtres...

Saint Bernard, premier sermon pour la fête des saints apôtres Pierre et Paul (Extraits)

   C'est une glorieuse solennité pour nous, que celle qui est consacrée au souvenir de la mort si éclatante de deux illustres martyrs, des chefs des martyrs, des princes des apôtres. Je veux parler de Pierre et de Paul, ces deux astres brillants que Dieu a placés comme deux yeux dans son Église. Ils m'ont été donnés pour maîtres, et pour médiateurs, et je puis me confier à eux en pleine sécurité. Ce sont eux, en effet, qui m'ont enseigné les voies de la vie, et ils sont les médiateurs par lesquels je puis m'élever jusqu'au grand médiateur qui est venu rétablir la paix par son sang, entre la terre et les cieux.

   Voilà pourquoi Dieu m'a donné deux hommes, mais deux hommes qui fussent vraiment hommes, et pécheurs et très grands pécheurs même, deux hommes enfin, qui ont appris en eux-mêmes et par eux-mêmes, comment ils devaient avoir pitié des autres hommes. Ils ont été coupables eux-mêmes de si grands crimes, que de grands criminels trouveront aussi auprès d'eux une facile indulgence ; ils serviront pour les autres de la même mesure dont on se sera servi pour eux. L'Apôtre Pierre a fait un grand péché, peut-être même le plus grand qu'un homme pût faire, il en a néanmoins obtenu un aussi rapide que facile pardon, au point qu'il ne perdit rien de sa primauté. Et Paul, qui déchira d'abord les entrailles de l'Église naissante, avec une ferveur unique, incomparable, est amené à la foi par la voix du Fils de Dieu lui-même, et si rempli de tout bien en retour de tous ces maux qu'il a faits qu'il devint un vase d'élection, pour porter le nom de Jésus aux nations, et le prêcher devant les rois et les enfants d'Israël. Ce fut un vase digne de son emploi, rempli de choses excellentes, d'une nourriture substantielle pour l'homme sain, et de remèdes pour l'infirme.

    Voilà quels sont nos maîtres. Ils ont reçu la plénitude de la science des voies de la vie, de la bouche même de notre maître à tous, et ils n'ont point cessé de nous les enseigner jusqu'à ce jour. Qu'est-ce donc que les saints apôtres nous ont appris et nous apprennent encore ? Ce n'est point l'état de pêcheur ni le métier de faiseur de tentes, ni rien de semblable ; ils ne nous apprennent ni à lire Platon, ni à manier les armes subtiles d'Aristote, ils ne nous montrent point à étudier toujours sans jamais arriver à posséder la science et la vérité. Ils nous ont appris à vivre. Croyez-vous que ce ne soit rien que de savoir vivre ? C'est beaucoup, au contraire, c'est même tout. On ne vit point quand on est enflé par l'orgueil, souillé par la luxure, infesté des autres pestes semblables ; non, ce n'est pas vivre que vivre ainsi, c'est confondre la vie, et descendre jusqu'aux portes de la mort. Pour moi, la bonne vie consiste à souffrir le mal, à faire du bien, et à persévérer ainsi jusqu'à la mort. On dit vulgairement : « Celui qui se nourrit bien vit bien, » en cela l'iniquité se trompe elle-même, car il n'y a que celui qui fait le bien qui vive bien.

   A mon avis, quiconque est en communauté vit bien, s'il vit d'une manière régulière, sociable et humble ; d'une manière régulière pour lui, sociable pour les autres, et humble pour Dieu. Or, on vit d'une manière régulière quand on est attentif dans toute sa conduite à ne point s'écarter de la voie tant sous les yeux de Dieu que sous ceux des hommes, en évitant pour soi le péché, et pour le prochain le scandale. On vit d'une manière sociable, quand on cherche à se rendre aimable aux autres et à les aimer soi-même, à se montrer doux et facile, à supporter, non seulement avec patience, mais volontiers, les infirmités de ses frères, je parle des infirmités tant physiques que morales. On vit avec humilité, quand, après avoir fait tout cela, on s'efforce de chasser l'esprit de vanité qui souffle d'ordinaire dans cette direction-là, et on résiste d'autant plus à ses suggestions qu'on est plus tenté d'y consentir. De même, dans le mal qu'on endure comme il est de trois sortes on a besoin de faire preuve d'une triple prudence. En effet, il y a un mal qui vient de nous, il y en a un autre qui vient du prochain, enfin il en est un troisième qui vient de Dieu. Le premier consiste dans les austérités de la pénitence, le second dans les épreuves de la malice d'autrui, et le troisième dans les coups de la main de Dieu qui nous corrige. Pour le mal qui nous vient de nous, il faut le souffrir de bonne grâce ; quant à celui qui nous vient du prochain, il faut l'endurer avec patience ; celui qui vient de Dieu doit être reçu sans murmure et même avec des actions de grâces. Mais ce n'est pas ainsi que l'entendent bien des enfants d'Adam qui se sont égarés dans la solitude et dans des déserts arides. Oui, on peut bien dire : qu’ils se sont égarés, et qu’ils errent loin des sentiers de la vérité, puisque, se perdant dans les solitudes de l'orgueil, ils ne veillent plus à la vie commune, et leur singularité ne peut plus trouver de compagnons. Ils sont aussi dans des déserts arides, car, ignorant la douce rosée des larmes de la componction, ils vivent dans un sol stérile et désolé par une perpétuelle sécheresse. Aussi, n'ont-ils point trouvé la voie qui conduit au séjour de la cité sainte. Vieillis sur une terre étrangère, ils se sont souillés avec les morts, et se sont vus comptés au nombre de ceux qui sont dans l'enfer.

   Voilà comment les apôtres m'ont appris à vivre et à m'élever. Je vous rends grâces, Seigneur Jésus, de ce que vous avez caché ces choses aux sages et aux prudents du siècle, et les avez révélées à ces simples et ces petits qui vous ont suivi, après avoir tout laissé pour votre nom.