Une spiritualité incarnée — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Une spiritualité incarnée

La règle, une spiritualité incarnée

Mettez la Parole en application, ne vous contentez pas de l’écouter :
ce serait vous faire illusion
 (Jc 1,22)

Cette proposition de vie par Benoît engage toute la personne. Elle est un combat, une lutte, que nous devons conduire pour écouter et mettre en pratique la Parole. C’est une école d’obéissance qui fait appel à toutes nos facultés, à tous les dons que nous avons reçus afin que nos actions soient bonnes, c'est-à-dire conformes à ce que Le Père attend de nous à l’exemple de ce qu’a vécu Jésus : « Si vous êtes fidèles à mes commandements, vous demeurerez dans mon amour, comme moi j’ai gardé fidèlement les commandements de mon Père, et je demeure dans son amour » (Jn 15,10).

Cette démarche est un travail : « Ainsi tu parviendras par le travail de l’obéissance à celui dont t’a éloigné la paresse de la désobéissance’’ (Prol 2). Il nous est demandé de « préparer nos corps et nos cœurs à combattre pour obéir fidèlement » (Prol 40). La Parole ne pourra devenir efficace en nous que si nous prenons le temps d’écouter l’Esprit qui habite en nos cœurs et qui transformera nos cœurs de pierre en cœurs de chair. Voilà le chemin de conversion que nous trace Benoît. Toute notre personne est concernée, le corps ne pouvant agir que mu par notre esprit.

Dans une vie qui s’insère dans le déroulement de chaque jour et des saisons, la Règle propose un cadre que peut résumer le chapitre 4 : une boîte à outils énumérant les instruments du bien agir. Cette liste enracinée dans l’Écriture profile un comportement où le corps est sollicité dans ses besoins élémentaires que sont le sommeil, le boire et le manger. L'esprit l'est aussi par une attitude morale manifestée à travers la parole, l’ouïe, la vue, la maladie et la relation que nous devons avoir avec ceux qui nous entourent ou que nous rencontrons. Le corps maîtrisé a aussi son rôle dans la manière de lire, d'accueillir, de se reconnaître fautif, de réparer la faute, de s'incliner devant la Trinité, de se tenir avec respect à l'oratoire, de se fondre par le chant dans la psalmodie communautaire en veillant à ce que l’esprit soit en accord avec la voix.

Cette démarche tend à unifier la personne et cette unification passe par une manière d' « être-à-son-corps » pour « s'habiter soi-même ». « S'habiter soi-même » c'est-à-dire être présent à toutes nos pensées et actions sans nous laisser porter par les événements et toutes les sollicitations dont nous sommes l'objet dans l'environnement qui est la nôtre. Cette manière d' « être à son corps » par son esprit engendre un style de vie (conversasio) qui met sur un chemin de conversion (conversio), dont le seul but est d'aller avec d'autres à la rencontre du Père à la suite du Christ. C’est cette mise en pratique qui fera de nous des témoins.

Cette démarche nous est proposée dès les six premiers versets du Prologue (Prol 1-6) : écouter le Maître pour mettre en pratique son enseignement. Il s'agit de revenir par le labeur de l'obéissance à celui dont nous nous sommes éloignés en désobéissant par lâcheté, paresse ou indifférence. C'est une proposition faite à « qui que tu sois ». Elle implique une manière de vivre à la suite du Christ qui s'est fait obéissant au Père jusqu'à la mort sur la croix et qui nous montre le chemin. « Par son incarnation, le Fils de Dieu s’est en quelque sorte uni à tout homme. Il a travaillé avec des mains d’homme, il a agi avec une volonté d’homme, il a aimé avec un cœur d’homme. Né de la Vierge Marie, il est vraiment devenu l’un d’entre nous, en tout semblable à nous sauf le péché » (Vatican II, Gaudium et spes, n° 22). C'est ce dont témoignent et ce que nous transmettent les Apôtres. Ils ont été appelés et ont vécu avec l'homme de Nazareth, Dieu fait homme, né de Marie. Ils l'ont vu fatigué, marcher, lire, pleurer, manger, boire, dormir, guérir, parler, enseigner, prier ; ils ont été témoins de sa mort et l’ont vu, ressuscité. Ils nous invitent à le suivre, lui, Jésus, porte du Père. Par l'écoute obéissante à la Parole qu'éclaire pour nous l'Esprit, petit à petit nous mettrons nos pas derrière les siens.

La Règle nous propose une spiritualité incarnée, une vie structurée et structurante, une feuille de route très concrète qui prend toute la personne. Si parfois le chemin semble difficile, rude, si nous y rencontrons des aspérités, il nous faut résister à la tentation de l'abandon, rester patients et persévérer en participant avec notre corps et notre esprit aux souffrances du Christ pour mériter d'avoir part à son royaume (Prol 50).