Silence - Parole — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Avec Benoît et les Pères cisterciens
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Silence - Parole

Dans l’environnement bruyant qui est le nôtre, la Règle de saint Benoît vient nous inviter à chercher et trouver un juste équilibre entre silence et paroles.

Aborder le silence c’est aussi se tourner vers la parole. L’Écriture est Parole de Dieu et la Parole de Dieu est efficace : Dieu dit, et cela se réalise (Gen 1). Jésus, le Christ, est le Verbe, la Parole venue nous dire le Père (Jn 1).

Face à cette Parole, il y a les paroles de l‘homme. La Règle de saint Benoît reprenant la Parole nous met en garde sur l’usage que nous faisons de nos paroles, de ce que nous disons, et cela dès le Prologue : ‘’ Si tu veux avoir la vie, la vraie et l’éternelle, garde ta langue du mal, et que tes lèvres ne disent pas de paroles trompeuses … (Prol. 17 ; Ps 33,14-15) Apprendre à contrôler sa parole, c’est aussi apprendre à savoir se taire, à découvrir, pratiquer et expérimenter le silence (Chap.6). Cette maîtrise de la langue évite les paroles oiseuses, les paroles en l’air, le parler pour ne rien dire, pour se faire plaisir, pour s’écouter (Pr 13,3) et fuir le murmure, le plus grand ennemi des relations humaines (chap. 5,14).

Saint Benoît nous dit d’aimer, de garder, de cultiver le silence (Chap.6), qui peut se définir comme absence de paroles, dites ou entendues, absence de bruit qui supprime toute distraction et met en face de soi-même. Ainsi le silence peut revêtir plusieurs formes :

  • Le silence vide de sens, remplit d’amertume, de rancœur, de haine de l’autre, de mépris, d’indifférence. Cette absence ou refus de relation, peut provenir d’une attitude personnelle ou être la conséquence d’une mise à l’écart. C’est l’isolement subi ou voulu : ‘’ Je ne veux parler à personne, je ne lui parlerai plus, personne ne me parle, je n’ai personne à qui parler…’’ Ces silences destructeurs peuvent conduire à des impasses ou à des catastrophes. Il faut savoir prendre conscience de cet isolement, de ces mauvaises solitudes dont souvent nous sommes la cause et qui ne peuvent que détruire. Ces silences que nous nous imposons ou que nous subissons sont des silences malsains, des silences de repli sur soi et de fermeture.
  • Le silence dont nous parle Benoît, qui ne fait que relire et retransmettre la Parole, est d’un tout autre ordre. Il s’agit d’un silence actif, choisi, un silence fait de plein et qui construit. Il s’agit d’un silence d’écoute, d’abandon de la volonté propre, d’ouverture aux autres et à l’Autre. Silence d’accueil de la Parole, non pas de la nôtre, mais de celle qui est efficace, qui donne sens à la vie et qui est Vie, silence de la rencontre dans la prière, silence d’étonnement de la foule après l’écoute de certaines paroles de Jésus (Lc 20,20-25). Face à certaines émotions ou certaines situations, le silence s’impose : le silence de la nuit, le silence de la mort, le silence du désert … ‘’ Il n’y a rien à dire ‘’. Le silence est expérience... C’est après une période de silence que Zacharie prophétise (Lc 1,57-66). Jésus se donne des moments de retrait, de solitude alors que sa mission est d’annoncer, d’enseigner par des paroles et des actes. Ce silence est lieu source, un plein, celui de la rencontre avec le Père (Mt 14,23).

Tout ce que nous avons reçu au cours de l’histoire de l’humanité nous a d’abord été transmis de manière orale, et nous avons appris à communiquer avec les autres par des gestes, puis des paroles. Quand l’apprentissage de la parole par un enfant se fait difficile, les parents sont inquiets. En effet, la parole nous met en relation les uns avec les autres, elle est un moyen de communication et un lien social fondamental. Si la Parole a besoin d’être écoutée, pour éviter des dérives nos paroles ont besoin d’être maîtrisées : ‘’ Je sais ce que je dis ! Je vais lui dire ses quatre vérités ! Il faut qu’il le sache ! Il saura ce que je pense (est-ce vraiment bien utile pour lui ou est-ce que je me libère ?) Je n’ai pas peur de dire ce que je pense !’’ Alors que l’on dit facilement de l’autre qu’il parle sans réfléchir ou pour ne rien dire ! C’est par ce qu’il avait trop parlé qu’Hérode fit décapiter Jean-Baptiste (Mc 6,17-29). En effet, à partir du moment où nous faisons un effort pour nous contrôler, que nous vivons en état de veille, ce que l’on peut aussi traduire ‘’ par tourner sa langue sept fois dans sa bouche avant de parler ’’, ce que nous dirons viendra du cœur, car c’est du trop plein du cœur que parle la bouche (Lc 6,45)… ; et notre relation à l’autre, même si elle est difficile, sera vraie. Benoît nous dit aussi de ’’ savoir taire des choses bonnes ‘’ (Chap. 6,3). Quand nous savons que notre parole, même bonne, ne sera ni accueillie, ni acceptée, ni comprise, il vaut mieux garder le silence et lâcher prise à l’exemple de Jésus face à Pilate (Mt 27,12-14). C’est là sans doute une première démarche d’humilité et il y a aussi ce silence de Dieu expérimenté par Job et celui du soir du vendredi saint au matin de Pâques…, ce silence de Dieu, auquel il nous arrive d’être confronté ou de partager dans l’épreuve.

En parallèle ou à l’opposé du silence subit, le silence actif, le silence choisi, le vrai silence qu’il faut garder, aimer, cultiver, nous met en possession de nous-mêmes. ‘’Le silence, c’est quelquefois se taire, mais le silence, c’est toujours écouter ’’ (Madeleine Delbrel ), car ‘’ il favorise le souvenir de Dieu et la communion fraternelle ; il ouvre aux inspirations de l’Esprit Saint, entraîne à la vigilance du cœur et à la prière solitaire devant Dieu. … ‘’ (Constitution 24 des cisterciens)

Par le silence,
la colère s’éteint,
l’orgueil s’évanouit,
la tentation se dissipe,
l’esprit humain s’humilie,
enfin, c’est le remède le plus utile
pour tout ce qui se passe en nous-mêmes

Louise de Ballon, moniale cistercienne du XVIIème siècle

Questions pour aujourd’hui :

  • Dans un environnement fait de bruits divers : radio, télévision, téléphone, MP3, circulation urbaine …, ai-je peur du silence ?
  • Si je vis seul, comment j’habite ou fuis le silence qui m’entoure ?
  • Dans mes rencontres, quelle place je fais au murmure, à l’écoute et à la parole de l’autre ?
  • Ai-je fait une véritable expérience de silence ?
  • Est-ce qu’il m’arrive de rechercher des moments de silence, et comment je les utilise ?
  • Quelle est pour moi la qualité du silence ?
  • Est-ce que j’aime ou déteste le silence ?
  • Est-ce que face, à toutes les sollicitations qui m’arrivent, je sais prendre du recul, me mettre en retrait ?