Qui que tu sois — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Avec Benoît et les Pères cisterciens
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Qui que tu sois

"C’est à toi donc maintenant que s’adresse ma parole, à toi, qui que tu sois,
qui renonces à tes volontés propres et prends les fortes et nobles armes de l’obéissance,
afin de combattre pour le Seigneur Christ, le véritable Roi".
Règle de saint Benoît Prologue 3

A lui seul on pourrait considérer ce verset comme un condensé de la Règle.

Après nous avoir mis en éveil : Ecoute nous dit Benoît voici que maintenant, à présent, pas demain mais aujourd’hui s’adresse ma parole à toi, pas à un autre, mais à toi lecteur, qui que tu sois, quel que soit le chemin que tu aies parcouru jusque là, mais si tu veux écouter il y a une condition : renoncer à tes volontés propres, ne plus te prendre pour le centre du monde, mais agir en prenant les fortes et nobles armes de l’obéissance, afin de combattre pour le Seigneur Christ, notre véritable roi dans un environnement où le vrai roi est celui qui réussit, qui a du pouvoir, celui qui possède, et ceci dans un monde où comme le dit le langage populaire l’argent est roi. Si tu t’es laissé emporter consciemment ou non par cela, il te faut changer d’échelle de valeur. Militer pour le Christ c’est faire le choix d’une vie active, marcher à sa suite, être témoin du Père dans un don total de ta personne pour que le monde puisse avoir la Vie. « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même, se charge de sa croix chaque jour et qu’il me suive » (Lc 9,23)

Jésus de Nazareth a partagé la vie de ceux qui l’entouraient. Il a accepté une invitation à un mariage, été proche de personnes en difficultés lors d’un décès ou face à la maladie, mais tout cela n’avait qu’un seul but : répondre à la volonté du Père, le manifester, le faire connaître. « Je ne cherche pas ma volonté, mais la volonté de celui qui m’a envoyé » (Jn 5,30).

Dans la prière qu’il nous enseigne, il nous dit de demander au Père que sa volonté se fasse, ce qui sous-entend qu’il ne s’agit pas de la nôtre : de notre volonté propre. Il nous en donne l’exemple à Gethsémani : « Père non pas comme je veux, mais comme tu veux » (Mt 26,39), puis ce sera l’arrestation, la garde à vue, l’instruction, le procès sans avocat, le prononcé du jugement et son exécution. C’est après la résurrection, après la venue de l’Esprit qu’il sera possible de mieux approcher ce mystère. Nous y sommes invités si nous prenons le temps d’écouter la Parole en inclinant l’oreille avec l’intelligence du cœur. « Heureux ceux qui croiront sans avoir vu » (Jn 20,29).

Benoît sait que la voie de l’obéissance n’est pas facile, il la présente comme un labeur, un travail. « Bien qu’il fut le Fils de Dieu, le Christ a appris l’obéissance par tout ce qu’il a souffert » (He 5,8) La désobéissance est une manière de se laisser vivre dans la routine, de se laisser aller. Benoît parle d’expérience, c’est pourquoi à la fin du prologue il nous encourage à ne pas désespérer car en nous mettant à la suite du Christ, à son école, si les débuts sont difficiles, en restant fidèles, patients et persévérants, nous participerons aux souffrances du Christ et nous mériterons d’avoir part au Royaume.

Ce verset du prologue fait nous envoie à la fin de la Règle à d’autres versets du chapitre 73 qui en constitue l’épilogue. Si vous voulez suivre ce chemin dit Benoît relisez l’Ancien et le Nouveau Testament, et les écrits des Pères des premiers siècles qu’il connaît bien. (RB 73,2-5)Entre ces versets il développe une relecture de l’Evangile, une manière de vivre. Cette « marche à suivre », ce chemin de vie est appelé aussi conversasio, conversio. Cette feuille de route, c’est la fidélité et la persévérance à la lectio, à la prière personnelle et la participation à la liturgie qui sont la source nous permettant de mieux nous connaître et ainsi débusquer notre volonté propre pour agir en étant à l’écoute de l’Esprit : faire la volonté du Père, là où nous sommes, dans notre vie familiale, relationnelle, professionnelle ou associative. Benoît nous décrit un chemin possible : une ascèse. L’ascèse, un moyen par lequel nous éduquons et entraînons notre sensibilité, orientons notre volonté par l’exercice de notre liberté en nous habitant nous-mêmes, c'est-à-dire conscients de tout ce qui vit en nous et de toutes les tentations dont nous sommes l’objet. Soutenus et éclairés par l’expérience des mères et pères cisterciens, cette ascèse est un combat incessant contre nous-mêmes, contre nos idées toutes faites, contre notre manière de nous laisser porter par les évènements, contre le pessimisme qui tue l’espérance, contre tout ce qui est mortifère. Tenter de vivre cette expérience avec l’aide du Christ sera « pour qui que tu sois » un chemin qui sous la garde de Dieu nous conduira tous ensemble à la vie éternelle.

Thomas Merton écrit :

"
Sans vouloir faire de la vie chrétienne un culte de la souffrance pour elle-même, nous devons loyalement reconnaître que l’abnégation et le sacrifice sont absolument essentiels à la vie de prière.Si la vie de prière doit transformer notre esprit et faire de nous des « hommes nouveaux » dans le Christ, la prière doit aller de pair avec la « conversion », metanoia, ce profond changement du cœur où à un certain niveau de notre être nous mourrons afin de nous retrouver vivants et libres à un niveau plus spirituel".
Thomas Merton Les voies de la vraie prière p.89. Editions du Cerf 2010

"Notre aptitude à nous renoncer nous-mêmes avec maturité et générosité peut être l’un des tests de notre prière intérieure. Prière et sacrifice vont de pair. Là où il n’y aura pas de sacrifice il n’y aura finalement pas de prière et vice versa".
Thomas Merton Les voies de la vraie prière p.92 Editions du Cerf 2010

"Célébrer la vie contemplative n’est pas rejeter toute autre forme de vie, mais chercher un fondement solide pour toutes les autres activités humaines. Sans le silence et le recueillement de la vie intérieure, l’homme perd contact avec ses vraies sources d’énergie, de clarté et de paix. Quand il tente d’être son propre dieu et veut à toute force tout régenter, tout se rappeler et tout maîtriser, il œuvre à sa propre perte".
Thomas Merton L’expérience intérieure p.259 Editions du Cerf 2010

Questions pour aujourd’hui :
La fidélité à la Parole m’apprend-elle à mieux me connaître ?
A quoi est-ce que je m’intéresse, quels buts et quel sens je donne à ma vie ?