Les difficultés de la prière — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Les difficultés de la prière

Il arrive en effet que l’efficacité de la prière se heurte à un manque de courage spirituel et à une crainte excessive. C’est ce qui a lieu lorsque l’homme est tellement préoccupé de sa propre indignité qu’il ne peut tourner les yeux vers la bonté de Dieu. En effet « l’abîme en appelle à l’abîme » (Ps 42,8) : l’abîme de lumière à l’abîme de ténèbres, l’abîme de la miséricorde à celui de la misère. Le cœur de l’homme est lui-même un abîme, et un abîme insondable. Mais si mon iniquité est grande, beaucoup plus encore, Seigneur, ta bonté. Aussi, lorsqu’il arrive à mon âme de se replier sur elle-même, je me rappelle l’immensité de ta miséricorde et je reprends souffle en elle…

Cependant, s’il y a péril lorsque la prière se fait trop timide, le contraire ne représente pas un danger moindre, mais plus grand encore, celui d’être trop confiante. A propos de ceux qui prient ainsi avec un excès de confiance, écoute ce que le Seigneur dit au prophète : « Crie à pleine voix sans contrainte, élève ta voix comme le cor … » (Is 58,1) Comme le cor dit-il, car il faut reprendre avec un esprit véhément ceux qui font preuve d’un aplomb excessif. Ils me cherchent alors qu’ils ne se sont pas encore trouvés eux-mêmes !

Je ne dis pas cela pour enlever aux pécheurs la confiance de la prière, mais je veux qu’ils prient à la manière d’un peuple qui a pratiqué le péché, non la justice. Qu’ils prient pour obtenir le pardon de leurs péchés avec un cœur contrit et humilié, comme ce publicain qui disait : « Seigneur aie pitié de moi pauvre pécheur » (Luc 18,13). Je parle d’excès d’assurance, en effet, quand un homme dont la conscience est encore sous l’emprise du péché, où le vice domine, ou bien suit un chemin de grandeur et de merveilles qui le dépassent, sans s’occuper du danger que risque son âme.

Le troisième défaut de la prière est la tiédeur qui ne la fait pas jaillir d’un vif élan de nos forces affectives. Ainsi donc, timide, la prière ne pénètre pas dans le ciel, car une crainte excessive paralyse l’esprit, si bien que la prière est incapable je ne dirai pas même de s’élever, mais tout simplement de sortir des lèvres. Tiède, elle monte avec langueur et défaillance. Trop confiante, elle ne monte que pour tomber : elle trouve une résistance, et non seulement elle n’obtient pas la grâce, mais elle s’attire un refus.

Au contraire, une prière pleine de foi, d’humilité et de ferveur peut être sûre de pénétrer dans le ciel et de ne pas en revenir les mains vides.

 

Carême Sermon IV, 3-4
Traduction Charpentier 1867 revue