Pentecôte — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Avec Benoît et les Pères cisterciens
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Pentecôte

Pentecôte sermon 1

5. Quant au bien, qu’est-ce que le Saint-Esprit opère en nous pour nous le faire faire ? Il nous avertit, il nous meut, il nous instruit. Il avertit notre mémoire, il instruit notre raison, il meut notre volonté ; car toute l’âme est dans ces trois facultés. Pour ce qui est de la mémoire, le Saint-Esprit lui suggère le souvenir du bien dans ses saintes pensées, et c’est par là qu’il secoue notre lâcheté et réveille notre torpeur. Aussi, toutes les fois, ô mon frère, que tu sentiras naître dans ton cœur le souvenir du bien, rends gloire à Dieu (Ac 9, 24), et hommage au Saint-Esprit, c’est sa voix qui retentit à tes oreilles, car il n’y a que lui qui parle de justice, et, comme dit l’Évangile : « Il vous fera ressouvenir de tout ce que je vous ai dit (Jn 14, 26). »

Mais remarquez ce qui précède : « Il vous enseignera toutes choses (ibid.). » Or, je vous ai dit qu’il instruit la raison. Il y en a beaucoup qui sont pressés de bien faire, mais ils ne savent ce qu’ils doivent faire, il leur faut, pour cela, encore une grâce du Saint-Esprit. Il faut qu’après nous avoir suggéré la pensée du bien, il nous apprenne à en venir aux actes, et à ne pas laisser la grâce de Dieu stérile dans notre cœur.

Mais pourquoi ? N’est-il pas dit que « celui-là est plus coupable, qui sait ce qu’il faut faire et ne le fait point (Jc 4, 17) ? » Ce n’est donc point assez d’être averti et instruit du bien à faire, il faut encore que nous soyons mus, et portés à le faire par le Saint-Esprit qui aide notre faiblesse, et répand dans nos cœurs la charité qui n’est autre que la bonne volonté.

6. Mais, lorsque le Saint-Esprit, survenant ainsi en nous, se sera mis en possession de notre âme tout entière, lui suggérera de bonnes pensées, l’instruira et l’excitera, en faisant entendre constamment sa voix dans nos âmes, et que nous entendrons ce que le Seigneur Dieu dira au-dedans de nous en éclairant notre raison et enflammant notre volonté, ne vous semble-t-il pas alors qu’il aura rempli, de langues de feu, la maison entière de notre âme ? Car, comme je vous l’ai déjà dit, l’âme est toute dans ces trois facultés. Que ces langues de feu nous semblent distinctes les unes des autres, c’est un signe de la multiplicité des pensées de notre esprit, mais dans leur multiplicité même, la lumière de la vérité, et la chaleur de la charité, en fera comme un seul et même foyer. D’ailleurs, on peut dire que la maison de notre âme ne sera complètement remplie qu’à la fin, lorsqu’il sera versé dans notre sein une bonne mesure, une mesure foulée, pressée, enfaîtée par-dessus les bords.

Sermon 1 pour la Pentecôte, § 5-6 (extraits)
Cf. Saint Bernard, Œuvres complètes, trad. Abbé Charpentier, t. 3, Paris, Vivès, 1867, p. 274-275.
cf. Saint Bernard, Sermons pour l’année, Brepols/Les Presses de Taizé, 1990, p. 558-559.

6ème dimanche après la Pentecôte

Sermon 1
« J'ai compassion de cette foule, car il y a déjà trois jours qu'ils sont avec moi, et ils n'ont rien à manger » (Mc 8,2). Mes frères, l'Évangile a été mis par écrit pour être lu, et il n'est lu que pour que nous prenions occasion de ce que nous entendons, ou de nous consoler, ou de nous désoler. Les gens du monde trouvent une vaine consolation dans l'abondance des choses de la terre, et une désolation non moins vaine dans la privation de ces biens. Quant à l'Évangile, c'est un miroir de vérité qui ne flatte personne et ne trompe personne. On se voit dans ce miroir-là tel qu'on est, et on n'y puise aucun motif de crainte, s'il n'y a pas de crainte à avoir, ni aucun sujet de se réjouir, si on a mal fait. Mais que dit l'Écriture : « Celui qui écoute la parole de Dieu sans la pratiquer est semblable à un homme qui, jetant les yeux sur un miroir, y voit son image naturelle et qui, à peine l'y a vue, s'il s'en va, oublie aussitôt comment il était » (Jc 1,23-24). Mes frères, je vous en conjure, qu'il n'en soit pas ainsi de nous, non, qu'il n'en soit pas ainsi ; mais considérons-nous attentivement dans le passage de l'Évangile qui nous a été lu, et profitons-en pour nous corriger, si nous trouvons quelque chose qui doive l'être en nous. Voilà pourquoi le Prophète demande que ses voies soient réglées de telle sorte qu'il garde les justices du Seigneur, « car, dit-il, je ne serai point confondu, si j'ai tes préceptes, Seigneur, constamment sous les yeux » (Ps 118,56). Et moi, mes frères, bien loin d'être confondu, je me sens tout glorieux, parce que, vous aussi, vous avez suivi le Seigneur au désert, et vous êtes sortis, pleins de sécurité, hors du camp pour aller au-devant de lui (He 13,13). Mais j'ai peur qu'il n'y en ait parmi vous quelques-uns dont la sécurité soit ébranlée après ces trois jours d'attente, et qui prennent le parti de retourner, de cœur au moins, et peut-être même de corps, dans l'Égypte de ce siècle pervers. Aussi est-ce avec raison que la divine Écriture nous dit et nous crie : « Attendez le Seigneur, conduisez-vous en homme de cœur, que votre cœur prenne une nouvelle force et soit ferme dans l'attente du Seigneur » (Ps 26,14). Mais combien de temps encore me faudra-t-il attendre ? Évidemment jusqu'à ce qu'il ait pitié de toi, mon frère. Tu me demandes quand cela sera ? Il te répond lui-même : « Il y a déjà trois jours que ces hommes sont avec moi, et j'ai pitié d'eux. »
Il faut donc que vous marchiez trois jours entiers dans le désert, si vous voulez offrir un sacrifice agréable à votre Dieu ; et il faut que vous suiviez Jésus, le Sauveur, aussi pendant trois jours, si vous voulez vous rassasier avec les pains du miracle. Le premier jour est un jour de crainte, un jour qui porte la lumière dans vos ténèbres et les dissipe, je veux parler des ténèbres de l'âme, un jour, dis-je, qui fasse luire à vos yeux les horribles supplices de la géhenne, où règnent les ténèbres extérieures. D'ailleurs, vous le savez, c'est ordinairement par ces sortes de pensées que commence notre conversion. Le second jour est celui de l’offrande de soi, parce que nous respirons à la lumière des miséricordes de Dieu. Le troisième jour est le jour de la raison, le jour où la vérité se montre à nous, de telle sorte que la créature se soumet à son créateur, le serviteur à son rédempteur, sans difficulté aucune, et comme pour acquitter une dette. Quand nous en sommes arrivés là, on nous ordonne de nous asseoir pour régler la charité dans nos âmes ; après cela, le Seigneur ouvre sa main libérale et remplit tous les êtres vivants des effets de sa bonté. Mais comme c'est aux apôtres qu'il est dit : « Faites-les asseoir », aux apôtres, dis-je, dont malgré notre indignité, nous sommes les humbles vicaires, nous vous disons aussi de vous asseoir, mes bien-aimés frères, afin de manger le pain de la bénédiction pour ne point tomber en défaillance le long de la route, et n'être point contraints, par une malheureuse nécessité, à redescendre aussi en Égypte, où vous attendent les risées de ceux qui ne vous ont pas accompagnés dans le désert à la suite du Sauveur. Ce n'est pas qu'ils ne soient pas eux-mêmes bien malheureux de n'être pas sortis en même temps que vous ; mais les plus à plaindre de tous les hommes, ce sont certainement ceux qui sont partis au désert avec les autres, mais n'y ont pas pris part à la réfection des autres.
Or si, pendant que le reste de la troupe était assis, il s'en trouva de cachés derrière les buissons ou dans quelque recoin, il est certain qu'ils sont demeurés le ventre vide et affamé. Ainsi, en est-il de ceux qui, poussés par un esprit de légèreté et de curiosité, errent de côté et d'autre, sans s'asseoir nulle part un instant, ou, s'ils s'assoient, ne se placent ni au rang ni dans le nombre des autres. J'engage donc votre charité et je la presse avec toute la sollicitude d'un pasteur de vos âmes, à ne point aimer les angles, à ne point rechercher les ténèbres, à ne point affectionner les recoins ; car « il n'y a que celui qui fait le mal qui hait la lumière et fuit, de peur d'être convaincu du mal qu'il fait » (Jn 3,20). Qu'il ne s'en trouve pas non plus parmi vous qui se laissent emporter à tout vent de doctrine, de ces esprits inconstants et inquiets, sans solidité, sans gravité, et semblables à la poussière du chemin que le vent emporte. Que dirai-je de ceux dont la main est levée contre tout le monde, et contre qui, par conséquent, tout le monde lève aussi la main ? Ce sont des hommes qui se mettent eux-mêmes en dehors des autres hommes, des hommes charnels, non point spirituels ; car il n'est personne qui parle sous l'inspiration de Dieu et qui dise anathème à Jésus (1 Co 12,3). Ces gens-là sont la plus cruelle des pestes, car, par leur obstination, bien qu'ils soient seuls, ils jettent le trouble partout, ils sont à eux seuls un véritable foyer de désordres, une source de scandales. D'ailleurs, entendez le Prophète vous dire, en parlant de la vigne du Seigneur : « Le cruel solitaire l'a ravagée » (Ps 79,14). C'est pour ces gens-là que je vous prie et vous supplie, mes frères, de mettre de côté toute espèce de dissimulation, voilà les recoins de la volonté que je vous engage à fuir. Gardez-vous bien de cet esprit d'inquiétude et de légèreté, à moins, ce qu'à Dieu ne plaise, que vous ne vouliez priver vos âmes de se nourrir du pain de la bénédiction.
Mais je ne veux pas vous faire attendre davantage, et je vais vous dire quels sont les sept pains qui doivent vous donner des forces. Le premier, c'est le pain de la parole de Dieu qui est la vie de l'homme, ainsi qu'il l'atteste lui-même (Lc 4,4). Le second est celui de l'obéissance, c'est encore Jésus qui nous l'assure en disant : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé » (Jn 4,34). Le troisième pain est la sainte méditation, car c'est d'elle qu'il est écrit : « La sainte méditation te conservera ; » et qu'il semble qu'on doit entendre ce que l'auteur sacré appelle un pain de vie et d'intelligence (Si 15,3). Le quatrième pain, c'est le don des larmes unies à la piété. Le cinquième, c'est le travail de la pénitence. Il ne faut pas vous étonner si je donne ce nom de pain au travail et aux larmes, car vous n'avez point oublié, je pense, que le Prophète a dit : « Seigneur, tu nous nourriras d'un pain de larmes » (Ps 80,6) ; et ailleurs : « C’est du labeur de tes mains que tu mangeras : heureux es-tu, à toi le bonheur » (Ps 128,2). Le sixième pain est la douce union qui fait de nous un seul corps ; c'est, en effet, un pain fait de grains nombreux, et dont la grâce de Dieu a été le levain. Quant au septième pain, c'est le pain Eucharistique, car le Seigneur a dit : « Le pain que je vous donnerai, c'est ma propre chair que je dois livrer pour la vie du monde » (Jn 6,51-52).

Sixième dimanche après la Pentecôte, Sermon I Saint Bernard, Œuvres complètes, trad. Abbé Charpentier, t. 3, Paris, Vivès, 1867, p. 288-290.

Pentecôte sermon 2

C’est aujourd’hui, mes frères bien-aimés, que les cieux se sont fondus en eau à la face du Dieu d’Israël, et qu’une pluie volontaire est tombée sur l’héritage du Christ car c’est aujourd’hui que l’Esprit Saint, qui procède du Père, est descendu sur les Apôtres dans la plénitude de sa majesté, et leur a fait part des dons de sa grâce […]

Mais, ô homme, pour que tu ne te plaignes point de mon absence et que ton cœur n’en soit point attristé, je t’enverrai l’Esprit paraclet, qui te donnera un gage de salut, la force de la vie, la lumière de la science : le gage du salut, c’est le témoignage que cet Esprit saint rendra à ton esprit que tu es fils de Dieu : ce sont les signes bien certains de prédestination qu’il imprimera et montrera dans ton cœur.

Il répandra la joie dans ton cœur et il arrosera, sinon constamment, du moins bien souvent, ton âme de la féconde rosée du Ciel. Il te donnera aussi la force de la vie en sorte que ce qui est impossible à la nature, par sa grâce, non seulement te deviendra possible, mais même te sera facile et te fera marcher avec bonheur comme au sein de la richesse et de l’abondance, au milieu des travaux et des veilles, dans la faim et la soif et dans toutes les observances religieuses, qui sembleraient un plat de mort si elles n’étaient édulcorées par cette douce farine. Il te donnera enfin la lumière de la science qui te fera dire, quand tu auras tout fait comme il faut que ce soit fait, que tu es un serviteur inutile : cette lumière de science qui t’empêchera de t’attribuer le bien que tu pourras trouver en toi, attendu que tout bien vient de lui, de lui, dis-je, sans qui, non seulement, ô homme, tu es incapable de commencer le moindre bien, mais de commencer quelque bien que ce soit, bien loin de pouvoir le mener à bonne fin. Voilà donc, comment cet esprit t’instruira en ces trois choses, de toutes choses ; oui, de tout ce qui a rapport à ton salut, car c’est en ces trois choses que se trouve la perfection pleine et entière.



Sermon 2 Pour la Pentecôte, § 1 et 7 (Extraits) Saint Bernard, Œuvres complètes, trad. Abbé Charpentier, t. 3, Paris, Vivès, 1867, p. 276, 279.

Pentecôte sermon 1

Nous fêtons aujourd’hui l’Esprit Saint qui a apparu sous une forme visible tout invisible qu’il soit […], et aujourd’hui ce même Esprit Saint nous révèle quelque chose de sa personne, comme le Père et le Fils s’étaient précédemment révélés à nous ; car c’est dans la parfaite connaissance de la Trinité que se trouve la vie éternelle. À présent nous ne la connaissons qu’en partie, et pour le reste qui nous échappe, que nous ne pouvons comprendre, nous le tenons par la foi. Pour ce qui est du Père, je le connais comme créateur de toutes choses, en entendant les créatures s’écrier toutes d’une voix : « C’est lui qui nous a faites, nous ne nous sommes point faites nous-mêmes » (Ps 49, 3) et saint Paul, apôtre, dire : « Ce qu’il y a d’invisible en Dieu est devenu visible depuis la création du monde par la connaissance que les créatures en donnent » (Rm 1, 20). Quant à son éternité et son immutabilité, cela me dépasse trop pour que je puisse y rien comprendre car il habite dans une lumière inaccessible. Pour ce qui est du Fils, j’en sais, par sa grâce, de grandes choses ; je sais qu’il s’est incarné. Quant à sa génération éternelle, qui pourra la raconter ? Qui peut comprendre que le Fils est égal au Père ? Pour le Saint Esprit, si je ne connais point sa procession du Père et du Fils – car cette connaissance admirable est si loin de mon esprit et si élevée que je ne pourrai jamais y atteindre (Ps 138, 8) –, du moins je sais quelque chose de lui, c’est l’inspiration. Il y a deux choses dans sa procession : d’où il procède et pour qui il procède. La procession du Père et du Fils se trouve, pour moi, enveloppée d’épaisses ténèbres, mais la procession pour les hommes commence à devenir accessible à ma connaissance aujourd’hui, et elle est manifestée maintenant pour les fidèles.

Sermon pour la Pentecôte 1,1


Et d’abord, l’Esprit Saint invisible manifestait sa venue par des signes visibles, il fallait qu’il en fût ainsi ; mais aujourd’hui, plus les signes sont spirituels, plus ils conviennent à leur nature, plus ils semblent dignes de lui. Il vint donc alors sur les apôtres sous la forme de langues de feu, afin qu’ils parlent dans la langue de tous les peuples, des paroles de feu et qu’ils annoncent avec une langue de feu une loi de feu. Que personne ne se plaigne que l’Esprit ne se manifeste plus à nous ainsi maintenant, « car le Saint-Esprit se manifeste à chacun selon ce qu’il a besoin. » (1 Co12,7)

Sermon pour la Pentecôte 1,2 Saint Bernard, Sermons pour l’année, Brepols/Les Presses de Taizé, 1990, p. 555-557