Temps de l'Avent: les trois avènements
Il convient, frères, de célébrer la venue du Seigneur avec un grand empressement, réjouis par un tel réconfort, stupéfaits d’une telle faveur, enflammés par un tel amour...
Les trois avènements
Il convient, frères, de célébrer la venue du Seigneur avec un grand empressement, réjouis par un tel réconfort, stupéfaits d’une telle faveur, enflammés par un tel amour. Pourtant, ne pensez pas au seul avènement par lequel il “est venu chercher et sauver ce qui était perdu”, mais pensez aussi à cet autre, où il viendra pour nous prendre auprès de lui. Puissiez-vous tourner et retourner continuellement ces deux avènements dans votre méditation, ruminant dans votre cœur tout ce qu'il vous a prodigué dans le premier, tout ce qu'il vous a promis dans le second. Oui, puissiez-vous dormir “au milieu des parts d'héritage”. Car ce sont là les deux bras de l’Époux entre lesquels l’Épouse disait en s’endormant : “Sa main gauche est sous ma tête, et sa droite m’enlace.”
Mais nous n’avons pas dit où elle dort. Car il est un troisième avènement, au milieu des deux autres, où s’endorment pour leur plus grand plaisir ceux qui le connaissent. Car les deux autres sont manifestes, celui-ci ne l'est pas. Lors du premier, le Christ a été vu sur terre, il a vécu avec les hommes, quand, selon son propre témoignage, ils l'ont vu et l'ont pris en haine. Par ailleurs, lors du dernier avènement “toute chair verra le salut de notre Dieu”, et les hommes “verront Celui qu'ils ont transpercé”. L'avènement intermédiaire, est caché ; seuls les élus le voient en eux-mêmes, et leur âme est sauvée.
Lors du premier, il vient donc dans la chair et la faiblesse ; dans celui du milieu, dans l'Esprit et la puissance ; lors du dernier, dans la gloire et la majesté. Par la puissance, en effet, on parvient à la gloire, car “Le Seigneur des puissances, c'est le Roi de gloire”. Et dans le même sens, le prophète dit ailleurs : “Que je voie ta puissance et ta gloire.”
Cet avènement intermédiaire est en fait une voie par laquelle on parvient du premier au dernier. Dans le premier le Christ a été notre rédemption ; lors du dernier il apparaîtra comme notre vie ; et dans celui-ci où nous “dormons entre les deux parts d'héritage”, il est notre repos et notre réconfort.
Mais pour que tu ne croies pas que j’invente ce que je dis de cet avènement intermédiaire, écoute-le lui-même : “Si quelqu’un m’aime, dit-il, il gardera ma parole, et mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui”. Garde donc la Parole de Dieu à la manière dont tu peux le mieux conserver la nourriture de ton corps. Car cette parole est le pain vivant, la nourriture de l’âme. Le pain de la terre, tant qu'il est dans la huche, peut toujours être dérobé par un voleur, rongé par un rat ou moisir à force de traîner. Mais une fois que tu l'as mangé, qu'as-tu à redouter de tout cela ? Garde de cette façon la Parole de Dieu : “Heureux, en effet, ceux qui la gardent.” Il faut donc qu'elle soit entraînée, pour ainsi dire, dans les entrailles de ton âme, qu'elle passe dans l'élan de ton désir et dans ta manière de vivre. Mange-le bien, il fera tes délices, tout en donnant de la consistance à ton âme. N'oublie pas de manger ton pain de peur que ton cœur se dessèche, mais que ton âme se rassasie de mets généreux !
Si tu gardes ainsi la Parole de Dieu, sans aucun doute, elle te gardera. Le Fils, en effet, viendra chez toi avec le Père. Et voici ce que fera sa venue : “De même que nous avons porté l'image de l'homme terrestre, ainsi porterons-nous aussi l'image du céleste.” De même que l'ancien Adam s'est répandu à travers tout l'homme et l’a occupé tout entier, ainsi le Christ prend possession de tout l'homme ; c'est lui qui l'a créé tout entier, qui l'a racheté tout entier et qui le glorifiera tout entier.
Sermons pour l’Avent, 4, 1 & 5, 1-2 ;
cf Bernard de Clairvaux, Sermons pour l’année.Tome I.1 (Avent et Vigile de Noël)
(Sources chrétiennes, 480) Paris, Cerf, 2004, p. 152-155 ; 168-173.