Bienheureux ceux qui pleurent — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Bienheureux ceux qui pleurent

Bienheureux ceux qui pleurent

« Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. »

 Bienheureux ceux qui pleurent

 « Bienheureux ceux qui pleurent car ils seront consolés. » C’est comme si l’on disait : le chemin de la joie c’est le deuil, la désolation conduit à la consolation, on perd son âme pour la gagner, l’abjection conduit à la richesse, la haine à l’amour, le mépris au salut. Si tu veux te connaître, te posséder, entre en toi-même, ne te cherche pas dehors. Autre chose est toi-même, autre chose sont les tiens, autre chose sont les objets qui t’entourent. Le monde est autour de toi, ton corps t’appartient, au-dedans tu as été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu…

L’homme au-dedans est fait à l’image de Dieu ; tu peux donc devenir Dieu. L’homme ainsi revenu à lui-même, comme jadis l’enfant prodigue, où se retrouve-t-il, sinon dans une région lointaine ; la région de la dissemblance, dans une terre étrangère, où il s’assied et pleure au souvenir de son père et de la maison paternelle. Si, en paissant les pourceaux, il a faim, ne trouve-t-il pas en lui-même de quoi pleurer ? Beaucoup de mercenaires à la maison paternelle ont du pain à satiété. Voilà que lui, le fils pauvre, exilé cherche en vain des gousses pour se rassasier. Les larmes ne lui monteraient facilement aux yeux ? …

Et, pour couper court, mes bien-aimés, il n’est personne qui rentrant en lui-même, se connaissant lui-même, pénétrant dans l’abîme de sa misère, de son ignorance, de ses difficultés, de ses passions, mesurant sa conscience, ne soit ému jusqu’aux larmes au deuil d’un proche, l’objet le plus ordinaire de nos douleurs. A plus forte raison, devons-nous nous livrer aux pleurs, aux lamentations quand il s’agit de nous-mêmes qui sommes plus proches et plus intimes que qui ce soit. Pourquoi aurait-il pitié d’autrui celui qui ne pleure pas sur lui-même ? …

Il est bien évident mes frères, que nous sommes loin de nous-mêmes, nous sommes derrière et non devant, totalement ignorants et oublieux de notre condition quand nous nous laissons aller au rire, à la plaisanterie, quand l’oisiveté nous charme, quand les fables nous amusent, quand nous nous abandonnons aux conversations joyeuses, quand nous nous livrons à l’ivresse et à la débauche, quand nous recherchons les aises du corps. Aussi le soin d’une sobre sagesse fut toujours d’inviter à la maison du deuil plutôt qu’aux joyeux repas, c'est-à-dire de rappeler à soi l’homme qui en nous veut toujours se répandre au-dehors et de lui dire : « Bienheureux ceux qui pleurent. » …

Laissons-nous, mes frères, corriger enfin par la doctrine de la sagesse céleste. Que dans le travail, comme dans le repos, nous sentions notre misère et nous revêtions le deuil. Pleurons devant le Seigneur qui est assez bon pour nous pardonner. Convertissez-vous à Lui dans le jeûne, les larmes, les gémissements sur nous-mêmes, afin qu’un jour, dans la mesure où nos cœurs seront submergés de douleur, ses consolations réjouissent nos âmes.

Bienheureux ceux qui pleurent, non parce qu’ils pleurent, mais parce qu’ils seront consolés. Le deuil n’est que le chemin, la consolation, c’est le bonheur.

 

                                                                  Sermon 2 pour la Toussaint (Extraits)