Du jeûne du Carême — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Du jeûne du Carême

Mes bien-aimés, je vous prie d'observer avec toute la dévotion possible, le jeûne quadragésimal, non seulement à cause de l'abstinence qui nous y est prescrite, mais aussi et bien plus encore, pour le mystère caché sous ce jeûne. Si nous avons jeûné le reste de l'année avec piété, pendant ce saint temps, nous devons le faire avec empressement. Si donc il y a quelque chose de plus rigoureux dans ce jeûne que dans les autres, n'est-il pas tout à fait indigne de vous plaindre d'observances que l'Église entière pratique avec nous ? …

Mais qu'ai-je besoin de vous parler de ceux qui partagent nos jeûnes? N'avons-nous point en matière de jeûne des modèles, que dis-je, des guides excellents? Avec quelle dévotion devons-nous observer le jeûne qui nous vient, comme un héritage, de Moïse même, le saint à qui il fut donné, par une prérogative refusée aux autres prophètes, de s'entretenir avec Dieu face à face? Avec quelle ferveur ne devons-nous point le pratiquer, quand il nous est recommandé par Elie, le prophète qui a été enlevé au ciel dans un char de feu? Que de milliers d'hommes, depuis lors, ont succombé sous les coups de la mort, dont la loi est générale, et lui, protégé par la main de Dieu même, a échappé jusqu'à présent à ses atteintes. Mais si le jeûne est grand à nos yeux à cause de Moïse et d'Élie, qui sont grands il est vrai, mais qui néanmoins sont nos compagnons d'esclavage, combien plus doit-il l'être, en pensant qu'il nous est recommandé par Notre-Seigneur Jésus-Christ, qui a jeûné lui-même aussi, pendant quarante jours et quarante nuits ! Quel est, je ne dis pas le moine, mais simplement le chrétien qui fera difficulté de pratiquer le jeûne dont le Christ lui a donné l'exemple. Après tout, nous devons imiter son jeûne avec d'autant plus d’empressement, mes frères bien-aimés, qu'il est plus certain que c'est pour nous, non pour lui, qu'il a lui-même jeûné...

C'est donc avec la plus grande ferveur que pendant la présente quarantaine, nous devons rechercher celui qui en fait la meilleure partie, et qui est le mystère figuré par ce saint temps. En conséquence, si notre zèle s'est un peu ralenti pendant le reste de l'année, il est à propos qu'il se ranime dans la ferveur de notre esprit.

Si nous n'avons péché que par la bouche, que la bouche seule observe le jeûne, mais si tous les autres membres de notre corps ont péché aussi, pourquoi ne jeûneraient-ils point comme elle? Que notre oeil jeûne donc, puisqu'il a porté le ravage dans notre âme : que notre oreille jeûne également, que notre langue, que nos mains, que notre âme elle-même jeûne aussi.

Les yeux : qu’ils jeûnent quant à leurs regards de curiosité indiscrète et à toute attitude d’insolence ; qu’on les force à bien se baisser, humblement dans la pénitence, eux qui, dans la faute erraient librement en tout sens.

Les oreilles : qu’elles jeûnent quant à leur goût néfaste pour les racontars et les commérages, et de tout ce qui n'a point rapport au salut.

La langue qu’elle jeûne de la médisance et du murmure, de paroles inutiles vaines ou bouffonnes, et à cause même du silence des choses mêmes qu'il semblerait nécessaire de dire.

La main s'interdira non seulement tout signe inutile, mais aussi toute action qu'il ne lui est point prescrit de faire.

Quant à l'âme, son jeûne, à elle, sera surtout de renoncer à ses vices et à sa volonté propre. Puisque sans ce jeûne tout le reste est rejeté de Dieu, « attendu, dit le Prophète, que votre volonté se trouve au jour de votre jeûne comme elle est les autres jours (Es 58.3). »





Sermon 3 pour le Carême (Extraits) Traduction Charpentier 1872 revue