Je l'ai saisi — Avec Benoît et les Pères cisterciens

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Avec Benoît et les Pères cisterciens
Menu

Je l'ai saisi

Frères, nous devons toujours louer et honorer la Mère de Dieu et nous remémorer avec un grand amour sa douceur. Mais aujourd’hui nous devons davantage nous réjouir avec elle, car en ce jour sa joie atteint à son plus haut sommet. Marie eut une grande joie lorsque l’Ange la salua ; elle eut une grande joie lorsqu’elle expérimenta la venue de l’Esprit Saint, quand s’accomplit dans son sein cette union merveilleuse du Fils de Dieu et de sa chair, en sorte que celui-là même qui était le Fils de Dieu, devint son Fils, à elle. Elle eut une grande joie quand elle tint un tel Fils entre ses bras, quand elle l’embrassa, le soigna ; quand elle entendit ses paroles, vit ses miracles. Et parce qu’elle fut très attristée par sa Passion, elle goûta en retour une joie merveilleuse lors de la Résurrection, et plus encore à l’Ascension. Mais voici que cette joie qu’elle éprouve aujourd’hui l’emporte beaucoup sur toutes ces joies.

Assurément, frères, c’est un grand bien et une grande joie de connaître notre Seigneur Jésus-Christ selon son humanité, de l’aimer, de penser à lui ; c’est en quelque sorte voir dans son propre cœur sa nativité, sa Passion, ses plaies, sa mort, sa résurrection. Mais il a une plus grande joie celui qui peut dire avec l’Apôtre : « Si nous connaissions le Christ selon la chair, nous ne le connaissons plus ainsi désormais. » Il est bon de regarder Jésus reposer dans sa crèche, mais c’est une joie beaucoup plus grande de voir comment il règne au ciel. Il est bon de le voir téter le sein, mais c’est une joie beaucoup plus grande encore de considérer comment il nourrit toutes les créatures. C’est grande joie de le voir blotti entre les bras d’une jeune femme, mais c’est une joie beaucoup plus grande de voir comme il contient le ciel et la terre.

Jusqu’à ce jour, frères, Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, a connu son Fils très doux selon la chair. Certes une fois que son Fils très cher et son Seigneur fut monté aux cieux, tout son désir, tout son amour furent là où il était. Toutefois aussi longtemps qu’elle demeurait dans cette chair corruptible, ne pouvait s’effacer de sa mémoire ce qu’elle avait vu de lui selon la chair. Sans cesse revenaient à son esprit ses actions et ses paroles, et par-dessus tout, l’image de la beauté de son visage vivait dans son cœur.

Or aujourd’hui, elle a quitté ce monde ; elle est montée au royaume céleste où elle a commencé à contempler sa gloire, la divinité du Père. Sa joie et son désir sont complets au point qu’elle peut dire à bon droit : « J’ai trouvé celui qu’aime mon âme. » Elle le tient et ne le lâche plus. Elle avait trouvé auparavant celui que sa chair aimait, car alors la chair avait du goût pour la chair, l’homme pour l’homme ; elle l’a tenu, mais elle l’a lâché. Elle l’a tenu, mais selon la chair, et pour cette raison, par la mort, elle le perdit tout de même un petit peu, mais selon la chair. Aujourd’hui, elle trouve celui qu’aime son âme ; et même si, comme le croient certains, elle est montée au ciel avec son corps, ce corps est assurément devenu spirituel, de sorte que tout cet amour dont elle aime son Seigneur, son Fils, n’est plus selon la chair, mais selon l’Esprit.

Aujourd’hui, Marie trouve donc celui qu’aime son âme ; elle le trouve selon l’Esprit, elle l’aime selon l’Esprit, elle le tient selon l’Esprit et jamais plus elle ne le lâchera. Aujourd’hui elle le trouve, car aujourd’hui s’est dissipée l’ombre de la mort, et la Lumière née de la Lumière s’est levée pour elle.

Sermon 20, « Pour l’Assomption de sainte Marie », § 2-6 (extraits),
cf. Aelred de Rievaulx, Sermons pour l’année. Première collection de Clairvaux, t. 2, Sermons 15 à 28
(Pain de Cîteaux, série 3, 12), Abbaye Notre-Dame du Lac, 1999, p. 64-66.