Amour de Dieu et grâces sensibles — Avec Benoît et les Pères cisterciens

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Amour de Dieu et grâces sensibles

Aucun homme spirituel n'ignore que nous devons juger notre amour de Dieu, non d'après des élans passagers qui ne sont pas sous l'emprise de la volonté, mais plutôt d'après la disposition stable de notre volonté. Unir sa volonté à la volonté de Dieu, de telle sorte que la volonté humaine consente à tout ce que prescrit la volonté divine, et ne vouloir ceci ou cela, que parce que l'on sait que Dieu le veut, voilà assurément ce que c’est qu’aimer Dieu ! Car la volonté elle-même n'est rien d’autre que l'amour, et parler de bonne ou de mauvaise volonté n’est pas autre chose que de parler d'amours bons ou mauvais.

En fin de compte, la volonté de Dieu, c'est son amour, qui n'est autre que le Saint-Esprit par qui la charité est répandue dans nos cœurs. Cette effusion de la charité divine est aussi l'union de la volonté humaine. Cette union se réalise quand l'Esprit Saint, qui est volonté et amour de Dieu, et qui est Dieu, s'insère et s'infuse dans la volonté de l'homme. L'élevant alors des choses terrestres vers les biens d'en haut, il la transforme en lui donnant mode et qualité divines, de sorte qu'adhérant à Dieu par le lien indissoluble de l'unité, elle ne fait plus qu'un seul esprit avec Lui. C’est ce que l'Apôtre déclare de manière très nette : "Celui qui adhère au Seigneur devient avec lui un seul esprit".

Il faut juger de cette volonté selon deux critères : le pâtir et l’agir : voir si elle supporte patiemment les épreuves que Dieu envoie ou permet, et si elle accomplit avec ferveur ce qu'il commande. Et, comme le dit le bienheureux Grégoire : "Que personne ne se fie à ses sentiments d'amour de Dieu si ses œuvres n'y répondent pas". Et c'est aussi ce que dit Celui qui ne ment pas : "Celui qui a mes commandements et qui les garde, voilà celui qui m'aime".

Celui qui supporte patiemment ce que Dieu lui a envoyé, et accomplit avec ferveur ce qu'il demande, celui-là aime Dieu, il faut le dire sans hésiter. Autrement, s'il fallait mesurer notre amour d'après les affections ressenties, et dire que seul celui qui les éprouve aime Dieu ou un homme, nous devrions dire que nous aimons non pas de manière continue, mais à de très rares moments.

Ressentir ces affections, ce n'est pas, comme tu le crois, aimer Dieu, mais c'est seulement s’apercevoir, par un agréable toucher, qu’une goutte de sa douceur, offerte ou plutôt infusée dans l'âme; est présente au palais intérieur. Car c'est une chose de travailler de toutes ses forces pour acquérir cette douceur de miel que l'on désire, c'en est une autre pour quelqu'un qui ne la cherche pas et n'aime pas, de la sentir imprégner ses lèvres; il ne peut échapper à la perception de cette douceur. Dans le premier cas, on ne goûte rien, et cependant on aime; dans le second, on n'aime pas, et néanmoins, on goûte quelque chose.

Pour user de termes plus simples que tu comprendras plus aisément, celui-là donc qui, pour posséder Dieu, s'applique, autant qu'il le peut, à observer ses commandements et à vivre selon les préceptes de l'Évangile et des apôtres, "dans la sobriété, la justice et la piété", celui-là, on peut le dire, aime Dieu, même s'il ne goûte rien de cette douceur. L'atteste celui qui dit : "Celui qui garde mes commandements, voilà celui qui m'aime". Mais celui qui goûterait tous les jours cet élan sensible et préférerait néanmoins ses caprices à la volonté divine, ne croyons pas qu'il aime Dieu : il ne peut que ressentir une saveur spirituelle infusée en son âme, selon une disposition divine.

Miroir de la Charité II-18