Heureux et doublement heureux
Heureux et doublement heureux
Heureux, et doublement heureux, si ta conversion devient pour les autres une occasion de salut, si tu attires à la vie et à la vérité ceux qui, en cet instant, marchent derrière toi : je voulais dire, si tu les tires de la vanité, mais j'ai craint de contrister un cœur tendre et nouvellement formé en Jésus-Christ. Ce n'est pas que j'attaque une érudition dans le domaine des connaissances profanes, ni à une mémoire facile à citer ses sources littéraires, ni une intelligence pénétrante. L’intelligence qui en fait saisir les beautés, ces belles lettres et ces beaux-arts forment la plénitude de la science. La connaissance des arts libéraux est bonne, mais à la condition que l'on s'en serve comme d'un degré et d'un reflet où l'on ne s'arrête pas, où l'on ne se fixe pas, mais au moyen par lequel on remonte aux secrets plus élevés, plus saints et plus cachés de la sagesse, on pénètre dans sa retraite suave et profonde, dans la lumière inaccessible que Dieu habite. Voilà ce que j'appelle l'art des arts, et la loi, et la forme, et la règle, et la raison et le type universel, uniforme et invariable. De même que nous ne pouvons le dépasser, de même nous ne pouvons-nous arrêter en deçà. En comparaison de cette science, toute sagesse, quelle qu'elle soit, si grande qu'on la suppose, est non-seulement vaine, si elle ne l'égale pas mais encore injuste et coupable si elle ne se dirige point vers elle... Qu'y a-t-il d'agréable, si ce n'est pas le Seigneur ? Cette connaissance des choses naturelles, étroite et obscure, à laquelle on n'arrive que par de longs circuits et des chemins très âpres, fait tes délices, elle a gagné ton âme et subjugué ton amour. Quel effet produirait donc la Sagesse créatrice, qui a donné l'existence à toutes ces réalités, et qui les éclaire pour les faire connaître ? Sa connaissance ne provoquera-t-elle pas avec plus d'ardeur ton désir, ne répandra-t-elle pas avec plus de suavité sa douceur dans tes sens apaisés, et n'excitera-t-elle point en toi par des sentiments inusités, une soif insatiable ? « Car ceux qui me mangent, « dit-elle, « auront encore soif parce que mon esprit est plus doux que le miel. » (Si 24,29)
Lettre seconde à un certain Adam. (Extraits) Traduction Charpentier 1872 (Revue)