Quelqu'un cherche quelqu'un (e) . Fête de saint Benoît
Evangile et peinture
Quelqu’un, frères et sœurs, cherche quelqu’un(e) : un ouvrier. Avec Benoît, laissons Jésus nous embaucher...
Quelqu’un cherche quelqu’un(e) …
Bienheureux Frère Christophe : Homélie pour la saint Benoît Tibhirine 11 juillet 1994
Ouverture
Quelqu’un, frères et sœurs, cherche quelqu’un(e) : un ouvrier. Avec Benoît, laissons Jésus nous embaucher. Nous serons vraiment moines si nous vivons du travail de nos mains (RB 48,8) et plus encore du travail de ses mains, à Lui, nous invitant maintenant à faire eucharistie… par lui, avec, en lui pour la vie du monde.
Homélie
Guidés par l’Evangile (RB Prol.21), allons donc par les voies qu’il nous trace. Oui, l’Evangile, çà ouvre un chemin, là où semble fermé le passé et l’avenir… l’histoire. Et jusqu’en mon propre cœur… bloqué…peut-être.
Guidés par l’Evangile, allons donc par les voies qu’il nous trace pour être admis à voir celui qui nous appelés dans sons son Royaume. Oui, frères et sœurs, l’Evangile nous met en route et c’est pour aller vers Quelqu’un en son Royaume.
Que fais-tu ici en Algérie, à Tibhirine ? Oh ! rien, c’est juste pour voir, pour voir venir le monde nouveau (régénéré). Le monastère bénédictin c’est ici : c’est un point de vue, pas plus, pas moins. Frères ouvrons, ouvrons les yeux à la lumière, écoutons le Seigneur : qui aime la vie, qui désire voir des jours heureux ? (RB Prol 15 ; Ps 33,33)
Pierre -et tous les pauvres hier et aujourd’hui- est de ceux-là. Homme de désir, d’inquiétude, de passion, quand il interroge Jésus. Et nous alors, qu’est-ce qu’il y aura pour nous ?
Eh oui ! Car à force de tout laisser, maisons, voisins, champs, vigne et verger, école, œuvres… qu’est-ce qu’il y aura à la fin ? Jésus ne reproche pas à Pierre sa question. Le frère aîné du chapitre 15 de Luc lui, ne s’embarrasse pas d’interrogation. Il affirma péremptoire : tu ne m’as jamais donné pas même un chevreau pour faire la fête (Lc 15,29). Ce n’est pas une vie. Non, dit Jésus : la vie c’est beaucoup plus ; la vie c’est recevoir ce plus, entrer ensemble dans l’héritage du Fils Bien-aimé ; tout ce qui est à moi est à toi (Lc 15,31). Tout quitter – ce patient dessaisissement jamais fini -, c’est un lâcher-prise pour un recevoir.
Le plus dur ? Lâcher le temps, cesser de s’agripper ou de vouloir le circonscrire à la dimension de mes projets, quitter le régime (infantile) de l’immédiat (tout, tout de suite, pour moi) et m’ouvrir à l’Eternel qui advient dans l’accomplissement (l’Imprévu du Visage offert).
Oui, il y aura quelque chose, beaucoup plus dit Jésus, une plénitude surabondante -Marie le sait- qui est à recevoir. Encore faut-il se décider pour cet à-venir promis, se décider résolument pour l’Inespéré… donné comme source jaillissante au fond du cœur. « Si tu veux la vie vraie et éternelle » (RB Prol 17). Si nous voulons parvenir à la vie éternelle tandis qu’il en est temps encore, oui, cette vie éternelle n’est réelle, n’est accessible, n’est véritable, n’est vivable qu’à partir de ce temps-là, celui du Verbe fait chair. Alors : courons et faisons dès ce moment ce qui nous profitera pour l’éternité (RB Prol 44).
Qu’est-ce qu’il y aura pour nous alors ? La Vie, comme une fin heureuse qui déjà nous travaille. L’un des outils indispensables du moine bénédictin, n’est-il pas de « désirer la vie éternelle de toute l’ardeur de l’esprit « ? (RB 4,46).
« Parce qu’il s’agit », précise Benoît dans le Prologue de sa Règle « de le suivre vers la gloire » … (RB Prol 7) les moines sont mus, mis en mouvement, par le désir de la gloire de la vie éternelle. Cette émotion grave, simple, sans cesse réanimée par le Verbe die, cette émotion vitale -une existence bouleversée dirai, dirait Etty – n’est pas une affaire privée. Si la décision de ne rien préférer, absolument rien, à l’amour du Christ ne peut qu’être individuelle, singulière, unique pour chacune et chacun, « écoute mon fils… », sa mise en œuvre est pour nous communautaire. C’est ce zèle, qui mène à Dieu et à la vie éternelle, que nous essayons de pratiquer ensemble, et Celui que nous choisissons, Celui que nous préférons, c’est lui qui nous amène tous ensemble à la vie éternelle (RB 72,1,12).
J’ai senti cela très fort en France lors de mon périple du mois de mai. Après l’assassinat de Paul-Hélène et de Henri, on me demandait avec inquiétude, compassion ou reproche : alors vous êtes encore en vie ? Et si je disais : non, enfin … oui, déjà !
Frère Christophe Lebreton Adorateurs dans le souffle Homélies pour les fêtes. Editions de Bellefontaine 2009